À défaut de lâcher du lest, voilà que le pouvoir durcit sa position face à la situation de plus en plus préoccupante en Kabylie. Après la répression de jeudi dernier contre des manifestants, qui reprenaient, une fois de plus, leur solidarité avec les détenus grévistes de la faim, le pouvoir a encore sévi brutalement, hier, à Tizi Ouzou où un rassemblement populaire a été réprimé par les casques bleus alors qu'il se voulait essentiellement pacifique. Pis, plusieurs délégués du mouvement citoyen ont été arrêtés et conduits au commissariat central de Tizi Ouzou où ils ont été placés, en garde à vue, hier soir, pour être certainement présentés aujourd'hui devant le tribunal de Tizi Ouzou. À défaut d'être pris en flagrant délit au milieu d'une manifestation pourtant pacifique, la plupart des quatorze manifestants arrêtés ont été apparemment triés par les services de sécurité puisqu'ils furent interpellés bien avant la manifestation et se trouvent être les délégués bien connus de la CADC, voire même des proches de Belaïd Abrika. Pour preuve, son propre frère, Mohamed Abrika, fait aussi partie du lot des nouvelles arrestations apparemment décidées par le pouvoir pour tenter d'étouffer toutes les voix qui continuent de crier haut et fort à l'injustice et à la libération des détenus du mouvement citoyen de plus en plus usés par une grève de la faim certainement dramatique. Après Mohamed Nekkah, Mouloud Chebheb et Rachid Allouache qui ont été déjà hospitalisés plus d'une fois, ce fut au tour de Belaïd Abrika, pourtant réputé pour sa santé de fer, d'être évacué en urgence, samedi soir, vers le CHU Nédir-Mohamed, car son état s'est aussi détérioré après vingt-sept jours de grève de la faim. Au moment où tout un chacun s'attendait à un geste du pouvoir pour la libération des détenus, voilà que la couleur est brutalement annoncée par ce même pouvoir, visiblement soucieux de faire valoir la politique de la matraque et du bâillonnement au détriment de la tolérance et de l'apaisement. À ce titre, Rezki Maâche, délégué de la coordination de Tizi Ouzou, dira qu'à travers une telle politique de la répression aveugle, le pouvoir ne fait qu'aggraver la situation, mais estime que le mouvement citoyen est encore très fort car il puise sa force de la volonté populaire. De son côté, Mustapha Mazouzi, autre délégué de la coordination de Tizi Ouzou, estime que “le mouvement traverse une période très difficile en raison d'une répression très sauvage et de la situation préoccupante des grévistes de la faim qui continuent de se sacrifier pour la cause et ce, au détriment de leur santé. Mais nous sommes persuadés que la population est toujours à nos côtés pour exiger la libération des détenus et la satisfaction totale de la plate-forme de revendications d'El-Kseur”. Par ailleurs, Mokrane Aït Larbi, après avoir rendu visite aux détenus, lance un appel à ces derniers “pour suspendre la grève de la faim car le mouvement a besoin de leur courage et de leur détermination pour faire aboutir les revendications populaires”. Enfin, de son côté, le bureau régional du RCD a condamné la répression et les arrestations opérées à Tizi Ouzou. À travers un communiqué rendu public, hier soir, le RCD estime que “dans sa fuite en avant, le pouvoir continue de sévir en procédant à des arrestations de citoyens venus manifester leur solidarité avec des détenus en danger de mort”. Le bureau régional du RCD de Tizi Ouzou “dénonce ces pratiques jusqu'au-boutistes et exige la libération immédiate de l'ensemble des détenus du mouvement citoyen, comme il tient à manifester son soutien à la grève générale du 30 décembre 2002 à laquelle appelle la CADC”.