Cette réforme est axée sur l'institution de nouvelles obligations pour les robes noires envers leurs clients et le renforcement des droits de la défense. Le nouveau statut de l'avocat vient d'être finalisé au ministère de la justice. Elaboré par une commission composée de bâtonniers en exercice ainsi que de représentants de l'association des anciens bâtonniers laquelle fut chapeautée par le président de chambre de la cour suprême, ce statut se fonde sur deux principes cardinaux : l'institution de nouvelles obligations aux avocats envers leurs clients et le renforcement des droits de la défense. Au chapitre des obligations des avocats envers les justiciables, cette commission, tout en s'appuyant sur les recommandations de la commission nationale de la réforme de la justice (CNRJ), présidée par le professeur en droit international Mohand Issad, ainsi que sur les orientations du ministre de la justice Tayeb Bélaïz, fait obligation aux avocats de faire une prestation de services de “qualité” envers leurs clients. C'est ce que révèle une source proche de ce dossier expliquant que les dispositions afférentes à ce chapitre sont de nature à accroître les droits du client. C'est ainsi qu'il a été institué l'obligation de l'avocat “d'être à la disposition de son client, à lui communiquer impérativement l'ensemble des opérations et procédures effectuées, à l'assister dans tous les actes de procédure et à l'aviser en cas d'empêchement par les moyens reconnus ainsi qu'à établir un reçu pour les honoraires de son client”. La disposition liée à l'établissement d'un reçu aux honoraires, qui se faisait auparavant uniquement à la demande du client, devient présentement une “obligation” au regard “des contestations des justiciables sur les montants demandés par les avocats dans le traitement des affaires”, arguera notre source. Etayant ses propos par l'expérience en la matière, notre interlocuteur expliquera qu'“il y a des clients qui disent que nous avons payé un tel montant à l'avocat sans pour autant avoir les preuves de leurs assertions. Comme il existe des avocats qui disent avoir perçu une certaine somme d'argent du client sans preuve à l'appui”. Un contrat d'honoraires pour les grandes affaires Aussi dans les grandes affaires nécessitant une grande disponibilité de l'avocat et une importante prise en charge de l'affaire, le nouveau statut des robes noires recommande l'établissement d'un “contrat d'honoraires” entre le client et son avocat. Dans ce contrat, il s'agira de fixer le montant des charges ainsi que les modalités de paiement de l'avocat. Le montant des honoraires, quant à lui, même s'il est traditionnellement décidé d'un commun accord entre les deux parties, doit néanmoins être fixé “raisonnablement en fonction de ce qui est pratiqué”, dira notre interlocuteur. En ce sens que, par exemple, dans le cas d'une affaire portant sur le statut personnel, les honoraires devront être de l'ordre de dix mille à quinze mille dinars. Le manquement de l'avocat à une de ses obligations l'expose à des sanctions. La procédure de mise en cause de l'avocat ne peut être déclenchée qu'en cas de plainte déposée par le client contre l'avocat fautif. Une fois enclenchée, la plainte est prise en charge par le bâtonnier national. Ce dernier devra désigner un instructeur qui déterminera s'il y a faute ou non. En cas de faute avérée, l'avocat devra être déféré devant le conseil de discipline qui décidera de sa sanction. Selon notre source, les sanctions prévues contre les avocats sont le blâme, l'avertissement, la suspension ferme, la suspension avec sursis ou la suspension avec exécution provisoire. La suspension avec exécution immédiate est également prévue mais laissée à l'appréciation du conseil de discipline, nous explique-t-on. Le conseil de discipline devant statuer sur les cas de manquement à l'éthique de la corporation des avocats est constitué de sept membres élus par leurs pairs et présidé par le bâtonnier national. Le nouveau statut des avocats prévoit plus de prérogatives au bâtonnier dans l'objectif de maîtriser “disciplinairement parlant les avocats”. Un avocat peut être suspendu immédiatement C'est ainsi qu'en cas de “faute grave” tendant à décrédibiliser la corporation des robes noires, à l'image d'abus de confiance, de spoliation d'un client, de trahison ou de délit, l'avocat peut être immédiatement suspendu. C'est une nouveauté en matière de discipline compte tenu de la procédure de suspension d'un avocat, en vigueur jusque-là, qui ne pouvait s'enclencher que dans le cas où celui-ci est poursuivi par la justice. Une autre nouveauté en matière disciplinaire : en cas de saisine du ministère de la justice du conseil de discipline au sujet d'une faute grave commise par un avocat, le nouveau statut établit la prérogative au membre du gouvernement de faire appel de cette décision auprès de la commission mixte si la décision du conseil n'est pas rendue ou non satisfaisante. Cette commission mixte qui siège au niveau de la cour suprême, constituant une instance disciplinaire de second degré, devrait impérativement se prononcer sur le cas en question. De nouvelles exigences professionnelles pour les avocats sont également instituées dans l'objectif d'un renforcement des droits des clients. C'est ainsi que pour un directeur de stage, le nombre d'années d'expérience requises a été porté à dix ans, alors qu'il était initialement de six ans dans l'ancien statut. Pour plaider au niveau de la cour et des tribunaux criminels, il est également exigé une expérience de huit ans avec ce nouveau texte, contrairement à l'ancien dans lequel aucune condition n'était requise pour ce faire. Aussi, et pour être agréé à la cour suprême, il est réclamé dix ans de pratique effective devant la cour, autrement dit soit pratiquement vingt ans d'ancienneté dans l'exercice de la profession. L'accès au Capa avec concours L'accès au Certificat d'aptitude à la profession d'avocat (Capa) connaît également des nouveautés. Un concours a été institué en effet dans le nouveau statut, alors que dans l'ancien, les jeunes avocats accédaient directement au Capa. L'institution du concours s'explique par le souci de ne “laisser accéder au certificat que les avocats remplissant un certain nombre de qualifications”, nous dit-on. Un institut d'études du Capa est également prévu selon le nouveau texte régissant la corporation. Dans le chapitre lié au renforcement des droits de la défense, le nouveau statut consacre l'inviolabilité du cabinet de l'avocat. En effet, seul le magistrat instructeur en présence du bâtonnier peut effectuer la perquisition chez un avocat poursuivi en justice. Par ailleurs, en cas d'incident d'audience, il est prévu le recours à un règlement par l'arbitrage via le président de la cour, le procureur général et le bâtonnier national. Au plan de l'organisation de la corporation des avocats trois nouveautés ont été apportées. En l'occurrence le bâtonnier a un seul mandat de trois ans non renouvelable immédiatement. En ce sens qu'il ne peut repostuler pour le poste qu'après avoir quitté le bâtonnat pendant trois ans. Pour prétendre au poste de bâtonnier, “il faut avoir accumulé au moins deux mandats en qualité de membre du Conseil de l'ordre des avocats”, est-il précisé. Dix ans d'ancienneté sont requis également pour l'avocat ambitionnant de devenir membre du Conseil de l'ordre. NADIA MELLAL