Face à l'impératif de concilier la réduction des dépenses, la maîtrise du déficit budgétaire et le besoin d'un retour à la croissance, le gouvernement a les pieds et les poings liés. Traditionnellement délicate, notamment depuis le retournement de situation qu'a connu le marché pétrolier en 2014, l'équation budgétaire s'annonce encore plus délicate cette année. D'autant que la situation politique que connaît le pays depuis maintenant cinq mois met l'actuel gouvernement en parfaite incapacité de mettre en place les véritables réformes. Celles-ci, aussi sensibles que complexes, dont la réforme des subventions, l'élargissement de l'assiette fiscale et la réduction des dépenses, exigent une parfaite légitimité des gouvernants, faute de quoi, l'adhésion des populations n'est nullement garantie. Au-delà du bras de fer que se livrent le peuple et le régime, les arbitrages budgétaires au titre de l'année 2020 s'annoncent pour le moins complexes pour un gouvernement désigné, de surcroît, pour gérer les affaires courantes. Face à l'impératif de concilier la réduction des dépenses, la maîtrise du déficit budgétaire et le besoin d'un retour à la croissance, le gouvernement a les pieds et les poings liés, contrairement à l'optimisme démesuré qu'affiche le ministre des Finances, Mohamed Loukal. Il y a trois jours, il a indiqué que "nous avons encore une grande marge de manœuvre pour répondre à nos engagements budgétaires et financiers", assurant que le gouvernement avait opté, à cet effet, pour une rationalisation soutenue des dépenses publiques. Il est peu probable que la croissance puisse être au rendez-vous en 2020 avec, en ligne de mire, l'ambition de réduire drastiquement les dépenses. Le précédent gouvernement, qui avait cassé la tirelire en 2018 pour faire redémarrer la croissance, a éprouvé les plus grandes difficultés à inverser la tendance baissière suscitée par les deux années d'austérité, 2016 et 2017. La croissance économique effective n'a été que de 2,3% en 2018, alors que la loi de finances de la même année tablait sur une croissance de 4%, sur la base d'une dépense d'investissement en hausse de 100% par rapport à 2017. Moins de dépenses signifie moins de croissance, et lorsque celle-ci n'est pas au rendez-vous, les recettes fiscales sont, à leur tour, en baisse, rendant plus complexe l'exercice de redressement des comptes publics. Quant à l'équation de rééquilibrer les comptes indépendamment de l'effet de la croissance, laquelle suppose un effort en matière d'investissement budgétaire, l'Exécutif est incapable de toucher aux autres postes de dépenses ; le budget de fonctionnement étant incompressible dans sa partie salaires. À moins que le gouvernement ne choisisse de prendre le risque de faire grimper le taux du chômage et/ou d'imposer aux institutions le régime sec. L'exercice s'annonce pour le moins acrobatique pour un gouvernement en manque de légitimité. L'option prise en faveur d'un coup de rabot, qui, éventuellement, toucherait le budget d'équipement, réduirait, certes, le recours à la planche à billets, mais priverait le Trésor d'importantes ressources fiscales. L'équation d'un retour à l'équilibre n'est pas si facile que cela. Avec les économies prévues sur le budget et sur les importations, le Trésor en perdrait autant en matière de revenus fiscaux. Et encore, en matière d'équilibre des comptes extérieurs, ce n'est assurément pas la baisse des importations des céréales, de la poudre de lait et des kits CKD-SKD qui permettra à la balance des paiements de rompre avec son déficit chronique. Les déséquilibres extérieurs, dus essentiellement à l'excès des importations de biens et services sur les exportations, ont été à la source directe de la fonte accélérée des réserves de change depuis 2014. Assurément, le gouvernement tenterait de donner à sa politique budgétaire de 2020 une couleur "sociale", mais il serait difficile de la financer après la décision de remettre la planche à billets dans les cartons. L'Exécutif serait à l'avenir contraint de la ressortir pour faire face aux besoins. Autrement, il appuierait davantage sur le champignon du change, en dévaluant le dinar, afin d'accroître les recettes en dinar de la fiscalité pétrolière. Chantier épineux et sensible politiquement, alors que l'Exécutif fait face à un rejet populaire massif, la question du budget fera l'objet, sous peu, de premières notifications qui seront adressées aux ordonnateurs avec, comme consigne, une révision à la baisse de leurs budgets. C'est une arme à double tranchant. Alors que la question d'un retour à la viabilité des finances publiques requiert une politique d'ajustement étalée sur plusieurs années.