Pour monter jusqu'à ce village d'Aït Maâmar, il faudra emprunter une route sinueuse en nette dégradation, bordée de part et d'autre de chênes-lièges et de sapins. En cette fin de juillet, l'odeur de cendres arrivant des maquis toujours en flammes empoisonne l'atmosphère. Après une heure de route du chef-lieu de commune, nous arrivons au premier lieu hautement significatif, la stèle dédiée aux chouhada d'Aït Maâmar. Notre guide prend la parole : “C'est grâce à la volonté des enfants du village que ce monument a été réalisé. Les autorités n'ont rien fait pour ces martyrs. Aujourd'hui, ce lieu reste interdit pour les officiels. Nous avons juré qu'ils ne mettront jamais leurs pieds ici.” Sur les trois côtés de cette stèle sont gravés, dans les trois langues (arabe, tamazight et français), les noms des chouhada. Les Mammeri, Mecharek, Slimani et tous les autres veillent sur les Aït Maâmar. Notre accompagnateur ajoute : “Notre village avait été entièrement rasé les 11 et 12 avril 1957. Dès la première balle annonciatrice de la guerre de Libération nationale, 65 hommes de Laqwadi, ancienne appellation du village, avaient pris les armes sur une population qui ne dépassait pas 200 personnes. 38 d'entre eux étaient tombés au champ d'honneur.” Quand nous sommes arrivés au village, il n'y avait que les femmes parées de leurs plus belles robes qui y circulaient. Quant aux jeunes et aux hommes, ils étaient occupés par d'autres tâches. Ce jour-là, le 28 juillet dernier, le comité de village avait concocté un programme riche en activités. M. Mecharek Mohamed, en sa qualité de président du comité, nous accompagne tout d'abord au chantier. Il n'était que 11 heures du matin, la dalle de la maison de jeunes était presque terminée. Cette infrastructure est l'un des projets initiés par les responsables d'Aït Maâmar. “Puisque l'Etat ne nous a pas regardés d'un seul œil, alors nous avons décidé de nous prendre en charge. Nous nous occupons de tout : eau potable, assainissement. Après avoir concrétisé la réalisation de la stèle, nous nous sommes attelés à la construction d'une maison de jeunes”, nous dit notre interlocuteur et d'enchaîner : “Nos jeunes sont volontaires. Il faut les prendre en charge. Cette dalle a englouti 100 quintaux de ciment, sans compter les autres matériaux. Depuis les fondations jusqu'à la toiture, c'est du volontariat.” Pendant que ces jeunes se chargeaient de ce travail, les femmes préparaient le couscous. 2 personnes bénévoles ont pris en charge toutes les dépenses inhérentes aux repas de midi et au dîner. L'une d'elles a convié tous les villages au dîner alors que l'autre a fait un don de 12 millions de centimes pour l'achat d'un veau. Au programme, la remise des prix aux élèves ayant décroché leurs examens : 7 bacheliers, 16 élèves admis au BEF et ceux admis en 6e ont été récompensés. Pour le bac, Hamoudi Samia (5 000 DA), BEF, Hassani Djedjiga (3 000 DA), pour la 6e, 2 élèves, un garçon et une fille : Maâmeri Billal et Hassani Nadia ont décroché la première place. Chacun a eu 1 000 DA et un cadeau. Un autre moment important et festif a été vécu par la population. Dans la soirée, un gala artistique a été donné par des chanteurs issus de la région. Sur scène, et ce, jusqu'à une heure tardive, Ahcène n'Ath Zaïm et Saïd Ouali de Tirmitine ont animé cette soirée. Les jeunes, après une journée de dur labeur, se sont donnés allègrement à la danse. Le lendemain, c'est-à-dire vendredi, 16 enfants ont été circoncis au lieudit l'Djemaâ, un lieu vénéré par les Aït Maâmar. “Ce sont les enfants du villages. Ils représentent l'avenir. Ils sont en train d'honorer humblement nos martyrs”, nous dira le père d'un garçon ayant bénéficié de la circoncision. En guise de récompense aux émigrés qui participent au financement de l'association, des cadeaux leur ont été remis. En conclusion, l'esprit de solidarité et de volontariat est le credo des Ait Maâmar, oubliant parfois la fuite des pouvoirs publics. Toutes les actions de ce comité sont à saluer. Dans un peu de temps, vous serez invité à l'occasion de l'inauguration de cette maison de jeunes, conclut M. Mecharek Mohamed. O. Ghilès