Des milliers de personnes ont marché à Bordj Bou-Arréridj et M'sila, hier, en ce 23e vendredi de la révolution pacifique. Les Algériens ne perdent pas de vue leurs objectifs, résumés par ces slogans : "Etat démocratique, civil, non militaire", "Justice indépendante", "Une presse libre", "Le départ de toute la îssaba", "Le peuple veut l'indépendance" et "Pas de dialogue avec el-îssaba". Vers midi, l'itinéraire habituel des marcheurs vers le centre-ville de Bordj Bou-Arréridj était occupé par un dispositif policier discret. Une petite foule, le noyau dur des manifestants, composée généralement de Kabyles, était là avant l'heure, avec leur drapeau amazigh, comme pour narguer le pouvoir en place et donner du courage aux marcheurs qui devaient arriver plus tard. A 14h, la foule grossit. Hommes, femmes, jeunes et vieux étaient dans la rue pour réclamer un "Etat civil, non militaire", dire "Non aux élections avec les gangs" et "Non au dialogue orchestré par la bande". Les juges et les médias ont été également la cible des manifestants qui reprochent aux premiers d'avoir mis en prison des manifestants innocents et aux seconds d'avoir "trahi le hirak". Gaïd Salah a eu droit, lui aussi, à sa part de colère des manifestants qui lui demandent de "dégager". Les manifestants de ce 23e vendredi ont insisté sur le rejet du dialogue dans les conditions actuelles. La foule a exprimé aussi son refus d'engager un dialogue ou de participer à des élections avant la libération de tous les détenus d'opinion. "Quel dialogue ? D'abord, libérez les détenus du hirak", lit-on sur un écriteau brandi par une femme. D'autres marcheurs, en revanche, ont hissé une banderole pour dire : "Oui à un dialogue national avec Taleb Ibrahimi, Ali-Yahia Abdenour, toutes les personnalités proposées et non pas choisies par le pouvoir." "Nous voulons un dialogue direct avec l'armée, détenteur du pouvoir", tient à préciser un ancien moudjahid. "Le panel que le pouvoir a choisi connaît toutes les revendications du peuple qui sont claires et nettes : départ du système et un nouvel Etat. À quoi vont servir ces personnalités sauf à donner une forme de légitimité à ce pouvoir militaire", ajoute-t-il. "Puisque ces personnalités se disent du peuple, qu'elles négocient alors avec le pouvoir et rendent compte au peuple et non pas le contraire. Elles vont nous faire perdre du temps, de l'élan et surtout de la cohésion pour ensuite transmettre quelques revendications au pouvoir qu'il va filtrer, trier et ensuite imposer les siennes. Nous voulons juste le départ des résidus du pouvoir de Bouteflika", précise-t-il. A M'sila, comme à Bou-Sâada, la chaleur qui a dépassé les 40°C n'a pas empêché les milliers de citoyens de sortir dans la rue pour exprimer leur rejet de ce dialogue douteux. "Le pouvoir semble compter sur l'amnésie du peuple et sur la lassitude. Mais les Algériens connaissent les responsabilités et les actes de chacun ; ils se souviennent de tout et ont formé leur jugement : la révolution populaire démocratique pacifique ne s'arrêtera pas avant le départ du régime actuel et son remplacement par un régime démocratique capable de construire l'Etat de droit et des institutions dignes de l'histoire et des valeurs du peuple algérien révolutionnaire", tient à exprimer un manifestant devant la foule qui s'est regroupée devant le siège de la wilaya. Chabane BOUARISSA