Les membres du panel ont pensé élargir leur assise en invitant une vingtaine de personnalités à intégrer la commission nationale de médiation et de dialogue. La réaction des personnalités sollicitées est attendue, compte tenu, d'abord, de la ferme opposition de la rue à tout dialogue avec le pouvoir. Ensuite, de la composante humaine du panel qui ne fait pas l'unanimité au sein de la rue. Mokrane Aït Larbi : "Faire la part des choses entre l'appel du pouvoir et l'appel de la patrie" Me Aït Larbi a réagi à la sollicitation qui lui a été faite par les membres du panel pour l'intégrer. Dans son communiqué, l'avocat a estimé qu'il ne participera "à aucun dialogue rejeté par la révolution pacifique". Aït Larbi a déclaré : "Nous devons faire la part des choses entre l'appel du pouvoir et l'appel de la patrie." "Sur le principe, le dialogue est un moyen de rapprocher des opinions dans le but de régler des crises", a-t-il dit, ajoutant que, toutefois, "le seul objectif de ce dialogué tracé par le pouvoir ne dépasse pas la préparation de l'élection présidentielle". L'avocat a souligné, par ailleurs, qu'"aucun dialogue, quels que soient ses objectifs et sa composante, ne peut aboutir avant la prise par le pouvoir de mesures d'apaisement tangibles, et des garanties suffisantes de respect des droits et des libertés". Il a estimé que sans certaines mesures d'apaisement rien ne garantira le sérieux de la démarche. Il a cité, entre autres, la libération inconditionnelle de tous les prisonniers d'opinion, la cessation du bâillonnement des libertés publiques individuelles et collectives et de la violation des droits de l'Homme, l'interdiction de l'usage de la violence par les organes de sécurité contre les manifestants pacifiques et la prise de mesures disciplinaires et pénales contre les agents et leurs officiers qui recourent à la violence sans motif légal, le respect de la libre circulation et la levée du quadrillage injustifié de la ville d'Alger tous les mardis et vendredis, l'exclusion de tous les symboles de la corruption issus du système, la levée de l'interdiction de l'emblème berbère, l'ouverture des médias au débat libre et contradictoire… L'avocat a estimé, en outre, qu'il ne peut "envisager un dialogue dont les règles sont dictées par le pouvoir".
Propos recueillis par : Mohamed mouloudj
Ahmed Benbitour : "Je n'y vois ni l'objectif ni la finalité" Réagissant à la sollicitation dont il est le destinataire de la part des membres du panel, l'ancien chef de gouvernement Ahmed Benbitour a refusé d'intégrer la commission. Dans une déclaration à Liberté, M. Benbitour a estimé que "dès le départ, j'avais dit que le temps n'est plus au dialogue". "Le hirak appelle à un changement de tout le système de gouvernance, donc, ce qui exige des négociations pour les modalités de changement." Il a ajouté, dans ce sillage, que "lorsque le rapport de force sera suffisant pour aboutir à cette négociation, je serai disponible pour contribuer à la recherche de solution et sa mise en œuvre". L'ancien chef de gouvernement a conditionné une quelconque contribution de sa part à l'entame de négociations pour le changement du système, sans cela, a-t-il dit, "je ne participe pas à un dialogue, parce que je n'y vois ni l'objectif et ni la finalité".
Propos recueillis par : Mohamed mouloudj
Mouloud Hamrouche : "Je ne serai pas candidat à d'éventuelles instances" L'ancien chef de gouvernement Mouloud Hamrouche a également décliné l'offre du panel pour l'intégrer. Dans une déclaration relayée par l'agence officielle APS, Mouloud Hamrouche a souligné qu'il n'est nullement intéressé par l'offre. "Je ne serai pas candidat à d'éventuelles instances de transition ou élection", a-t-il déclaré. Evoquant le mouvement de rue né depuis le 22 février, M. Hamrouche considère que "le mouvement unitaire et pacifique du peuple a, depuis le 22 février dernier, neutralisé, momentanément, une série de facteurs de déstabilisation et stoppé d'imminentes menaces". Pour lui, "ces menaces n'ont pas disparu pour autant et sont toujours en gestation". Pour mieux neutraliser ces menaces, Mouloud Hamrouche estime qu'il "revient à ceux qui sont aux commandes d'agir, de répondre au hirak et de mobiliser le pays pour lui éviter les pièges d'un chaos".
Propos recueillis par : Mohamed mouloudj
Djamila Bouhired, moudjahida "Pas de dialogue avec ceux qui nous accusent de trahison" L'une des icônes vivantes de la guerre de Libération nationale, Djamila Bouhired, ne supporte plus l'utilisation de sa réputation et de son engagement dans la révolution citoyenne pour crédibiliser des initiatives de dialogue suscitées par le régime. "Hadou mayahachmouch" (Ils n'ont pas honte), a-t-elle fulminé, au moment où elle a appris que son nom figurait sur la liste des 23 personnalités, invitées à rejoindre le panel conduit par l'ancien président de l'APN Karim Younès. Selon l'un de ses proches, avec lequel nous avons pris attache, l'ancienne moudjahida ne déroge pas à sa position de principe qu'elle a déclinée, la semaine dernière, quand le Forum civil pour le changement l'a associée, sans la consulter au préalable, à un premier panel de 13 personnalités chargées de mener un dialogue inclusif sur l'organisation de l'élection présidentielle. "Elle n'a pas changé d'avis. Elle reste sur ses convictions", assure notre interlocuteur. Le 17 juillet dernier, Mme Bouhired a affirmé, dans un communiqué rendu public, ne pas vouloir intégrer "un groupe de personnes, dont certaines ont servi le pouvoir". Au-delà, elle a estimé la démarche indécente. "Alors que des patriotes sont jetés en prison pour délit d'opinion, dont un officier de l'ALN, le frère Lakhdar Bouregâa, il ne peut y avoir de dialogue avec ceux qui nous menacent et nous accusent de trahison. Je réaffirme ma solidarité avec le peuple en lutte pour son émancipation citoyenne, dans la liberté, la dignité et la démocratie", a-t-elle écrit. Malgré son âge avancé, 84 ans, l'une des six femmes condamnées à mort durant la guerre d'indépendance est devenue l'égérie des étudiants, qu'elle accompagne inlassablement dans leurs marches du mardi. Dans une lettre qu'elle leur a adressée, elle les a conseillés d'être constamment vigilants. "Notre génération a été trahie ; elle n'a pas su préserver son combat contre le coup de force des opportunistes, des usurpateurs et des maquisards de la 25e heure (…) Ne laissez pas ces agents, camouflés dans des habits révolutionnaires, prendre le contrôle de votre mouvement de libération. Ne les laissez pas voler votre victoire (…)"
Souhila H. Drifa Ben M'hidi, sœur de Larbi Ben M'hidi "Je soutiens les enfants du hirak" Drifa Ben M'hidi, la sœur de l'un des leaders de la Révolution pour la libération de l'Algérie du joug du colonialisme Larbi Ben-Mhidi, a rejeté, hier, fermement, l'offre de participation au dialogue et à la médiation que lui a faite le panel présidé par Karim Younès. Elle a tenu à préciser que son nom a été cité par l'ancien président de l'APN sans qu'il prenne le soin de demander d'abord son avis sur la question. Sur le fond, l'octogénaire a estimé que cette mission doit être confiée, au moment opportun, aux jeunes, véritablement engagés dans l'insurrection populaire "et non pas à des vieux comme moi. Que ceux qui veulent dialoguer le fassent avec les enfants du hirak que je soutiens". Mme Ben M'hidi marque son adhésion à la révolution par sa présence, chaque vendredi, dans la manifestation à proximité de la Grande-Poste. Elle est accueillie, à chaque fois, comme la guest-star de la rue en effervescence. Elle a promis, d'ailleurs, qu'elle sortira dans la rue jusqu'à l'aboutissement des revendications de ses concitoyens. Elle a refusé, néanmoins, de porter un jugement franc sur le panel. Pourtant, son refus motivé d'y prendre part donne une idée claire sur son opinion.
S. H.
Me MUSTAPHA Bouchachi, avocat et défenseur des droits de l'Homme "Je ne participe pas au dialogue en l'absence de garanties" Comme il fallait s'y attendre, Me Bouchachi a décliné la proposition qui lui a été faite, dimanche 28 juillet, l'invitant à rejoindre le panel. "J'annonce que je ne participe pas au dialogue", a-t-il écrit dans un post publié sur sa page Facebook. L'avocat et militant a justifié son refus de rejoindre la commission nationale pour le dialogue et la médiation par l'absence de garanties de la part du pouvoir quant au respect des décisions qui émaneront de ce processus de dialogue. "Comme ces garanties sont absentes, j'annonce que je ne participe pas au dialogue", a-t-il indiqué, non sans insister sur la nécessité de réunir nombre de conditions avant d'engager le dialogue. "J'estime qu'il est nécessaire de réunir les conditions suivantes avant d'entamer le dialogue : le départ des symboles du régime, la libération des détenus d'opinion, l'ouverture de l'espace public et du champ médiatique à toutes les tendances, la fin des harcèlements contre les manifestants (arrestation, fermeture des routes, interdiction des déplacements vers Alger)", a-t-il énuméré. Ce qui ne l'a pas empêché de remercier ceux qui ont proposé son nom pour faire partie du panel et de rappeler que, "comme principe général, le dialogue est la meilleure solution pour sortir de la crise que vit l'Algérie".