Le lourd déploiement sécuritaire et le black-out total imposé au Cachemire cette semaine, d'une ampleur jamais vue dans cette zone, trahissent les risques pris par l'Inde et fait craindre le pire. L'Inde et le Pakistan s'acheminent tout droit vers l'escalade. Le Pakistan a annoncé hier qu'il expulsait l'ambassadeur indien basé à Islamabad et suspendait le commerce bilatéral avec l'Inde, deux jours après la révocation par New Delhi de l'autonomie constitutionnelle de la partie du Cachemire qu'elle contrôle et que le Pakistan revendique. "Nous allons rappeler notre ambassadeur à Delhi et renvoyer le leur", a déclaré le ministre des Affaires étrangères Shah Mehmood Qureshi à la télévision pakistanaise ARY news. Le gouvernement, dans un communiqué, a également annoncé la "suspension du commerce bilatéral avec l'Inde". Ces décisions ont été annoncées après une nouvelle réunion du Comité de sécurité nationale, à laquelle ont participé les principaux ministres et généraux pakistanais. La révocation lundi du statut constitutionnel spécial du Jammu-et-Cachemire, Etat du nord de l'Inde à majorité musulmane, est l'application la plus spectaculaire du programme nationaliste hindou du Chef du gouvernement depuis sa réélection triomphale en mai. New Delhi assure que la mesure apportera paix et prospérité à cette région, troublée et revendiquée par le Pakistan et en proie à une insurrection séparatiste contre l'Inde qui a fait plus de 80 000 morts, principalement des civils, depuis 1989. Mais le lourd déploiement sécuritaire et le black-out total imposé au Cachemire cette semaine, d'une ampleur jamais vue dans cette zone pourtant habituée aux opérations militaires et aux couvre-feux, trahissent les risques pris par l'Inde. Face à cette situation, et ne comptant pas rester les bras croisés, le Pakistan avait déjà affirmé qu'il comptait porter cette affaire devant les instances internationales, d'après les déclarations du Premier ministre pakistanais Imran Khan, cité par des médias, mardi. "Nous nous battrons contre cette mesure devant toutes les instances, y compris au Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU)", a affirmé Imran Khan devant les parlementaires pakistanais, ajoutant que son gouvernement compte aussi saisir la Cour pénale internationale. Pour lui, la communauté internationale doit se saisir de la question, sous peine de "sérieuses conséquences", a-t-il prévenu. "Si le monde n'agit pas aujourd'hui (…) alors la situation atteindra un stade dont nous ne serons pas responsables", a ajouté le Premier ministre du Pakistan. Les prémices d'une prochaine escalade étaient déjà perceptibles lorsque l'Inde avait déployé, depuis le début du mois, des dizaines de milliers de paramilitaires en renfort au Cachemire, une région parmi les plus militarisées du monde où elle comptait déjà près d'un demi-million de membres des forces de sécurité. L'insurrection armée contre New Delhi, qui a culminé durant les années 1990 avant de décliner, connaît un regain depuis 2016. Les Cachemiris craignent que le confinement de la population, en grande partie hostile à l'Inde, n'exacerbe le ressentiment. Les deux puissances nucléaires d'Asie du Sud se sont déjà livré deux guerres au sujet du Cachemire (1947-49 et 1965). En février, leurs relations ont connu une nouvelle poussée de tensions suite à un attentat suicide contre un convoi paramilitaire indien, qui a fait environ 40 morts.