Par centaines de milliers, les Algérois ont revendiqué, hier, le départ du gouvernement Bedoui et du chef de l'Etat, un Etat civil, une période de transition et la libération des détenus d'opinion. Dernier vendredi avant la rentrée sociale… et des classes. La mobilisation de rue contre le régime reprend déjà de la consistance arithmétique, à Alger. Pourtant, les autorités nationales n'ont point allégé le dispositif sécuritaire sur l'itinéraire traditionnel de la grande marche hebdomadaire. Les forces de la police nationale ont quadrillé les accès de la place Audin et du Tunnel des facultés, la place et le parvis de la Grande-Poste, le tunnel reliant la rue Hassiba-Ben Bouali au boulevard colonel Amirouche et certaines ruelles aboutissant à la rue Abdelkrim-El-Khettabi. Les barrages dressés aux deux extrémités de l'axe Grande-Poste-place Audin, pour empêcher les premiers manifestants d'étendre leur parcours, ont été levés vers 13h45, sans libérer toutefois les bords de la chaussée, occupés par les véhicules de la Sûreté nationale. Ces tentatives d'étouffer la manifestation, couplées à quelques interpellations, n'ont pas produit d'effet dissuasif. Des centaines de milliers de citoyens, de tous âges, ont défilé pacifiquement, en ciblant quasi exclusivement le coordinateur du panel de dialogue et de médiation et le général de corps d'armée. "Karim Younès ne nous représente pas et Gaïd Salah ne nous fait pas peur." Ce slogan a résonné très fort de la Grande-Poste jusqu'en haut de la rue Didouche-Mourad, par le premier noyau de manifestants à la fin de la matinée. Deux autres répliques s'y sont greffées rapidement : "Soulta chaâbia, marhala intikalia" (Souveraineté au peuple, période de transition), "Ismaâ ya Gaïd, dawla madania" (Entendez-nous Gaïd, Etat civil). Les trois slogans seront repris à l'unisson par des milliers de voix, dès la fin de la prière du vendredi. Les Algérois ont riposté ainsi au chef de l'institution militaire, qui a prononcé, mardi dernier, un discours menaçant contre ceux qui ne souscrivent pas à l'option d'une présidentielle à brève échéance, mais choisissent plutôt la voie de la transition. Ils ont d'ailleurs clairement rejeté "des élections avec le gang". Encore une fois, la rue a exigé le départ du gouvernement Bedoui, celui du chef de l'Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, et la démission du chef de l'ANP. Tout le long des rues Hassiba-Ben Bouali et colonel Amirouche, les citoyens, qui ont démarré de la place du 1er-Mai, ont scandé : "Attendez-vous à la désobéissance civile" et "Septembre arrive". Aux tenants du régime, qui s'arc-boutent au pouvoir, ils ont rappelé que la parenthèse de l'été étant désormais fermée, il leur faudra se préparer au second souffle de la révolution. Les habitants de La Casbah et de Bab El-Oued, ont créé une ambiance des grands jours du hirak à la rue Asselah-Hocine à Alger à leur sortie des mosquées, dont celle de la rue Ali-Boumendjel. La libération des détenus d'opinion, principalement les manifestants sous mandat de dépôt pour port de l'emblème amazigh dans les marches, et du moudjahid Lakhdar Bouregâa a été fortement revendiquée. D'innonbrables banderoles portant les portraits des prisonniers, ont été arborés par les marcheurs. Vers 17h30, les manifestants ont commencé à se disperser dans le calme. Aucun incident à signaler si ce n'est une vidéo, postée sur les réseaux sociaux dans la journée d'hier. Elle montre un officier de police qui s'en prend violemment à un vieil homme drapé dans l'emblème national. Il a été houspillé par les citoyens qui ont aidé la victime à se relever.