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Ce qu'il faut réformer (2e partie et fin)
SECTEUR BANCAIRE ALGERIEN
Publié dans Liberté le 05 - 09 - 2019

Au terme de cette première partie, trois principales caractéristiques de notre secteur bancaire apparaissent :
La faiblesse du niveau de son intermédiation.
La prédominance des banques publiques
La faiblesse des crédits accordés au secteur privé
Une telle configuration n'a pas permis au pays de réaliser son potentiel de croissance et ce malgré une abondance de ressources et un excès de liquidité bancaire pendant une période relativement longue.
Un économiste me disait récemment "le sous développement financier reflète et accentue les dérèglements structurels de l'économie et la dérive budgétaire". Je partage totalement cet avis.
Le développement actuel des marchés de capitaux ne permet pas, sur un horizon temporel rapproché, d'anticiper un rôle important pour ces derniers dans l'intermédiation financière. Aussi, l'intermédiation bancaire restera cruciale pour la croissance, le développement et la diversification économiques du pays, et sa cohésion sociale.
Une réforme de fond du secteur bancaire en vue de sa modernisation s'impose donc. Pour la prise en charge de ce défi, il n'existe pas de solution unique, solitaire, mais des mesures conjointes et cohérentes.
La présente partie est basée sur la conviction que la croissance pérenne pour le pays viendra du secteur privé ou ne viendra pas. Elle traite des évolutions souhaitables du cadre institutionnel en vue d'améliorer l'efficience du secteur bancaire. Elle n'a pas la prétention d'être exhaustive. Elle tente de donner un contenu concret aux proclamations politiques récurrentes sur la nécessité de moderniser notre secteur bancaire et de proposer les recommandations et des orientations les plus pertinentes en vue d'une politique générale novatrice et tenant comptent des spécificités locales.
Le processus de mise en œuvre de ce projet de réforme, d'une grande ampleur technique et humaine, sera complexe et ne pourra donc s'appuyer que sur une autorité gouvernementale reconnue. Un organisme ad hoc et adéquat pourrait aussi "chapeauter" l'opération. Mais il faudra aussi convaincre.Aussi, ce processus devra s'appuyer sur une campagne d'explication et de formation qui montrera que les collaborateurs du secteur ont intérêt à y participer pour améliorer leur condition d'emploi et leur statut. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce volet important.
Notre analyse est largement influencée par les travaux de grande qualité produits en 2012 par l'initiative MFW4A (Make Finance Work For Africa) supportée par la Banque africaine de développement et par les constats et recommandations du rapport Financial system stability assessment du FMI de juin 2014.
La réflexion s'articulera autour des axes d'effort suivants :
La définition d'une stratégie de développement du secteur bancaire et sa communication.
Le renforcement et la modification de la gouvernance des banques publiques
Les évolutions réglementaires à mener
L'amélioration du dispositif de supervision et du cadre macro prudentiel
L'innovation et l'élargissement de l'offre produits notamment en direction des PME
Les autres évolutions institutionnelles à conduire en dehors du secteur bancaire et financier en vue d'accompagner la modernisation de ce dernier.
La formation, le développement des compétences et les ressources humaines.
La définition d'une stratégie de développement du secteur bancaire et sa communication
Les attentes et les objectifs des autorités sont flous ou le plus souvent inconnus. Il est donc important d'améliorer la visibilité des investisseurs potentiels étrangers et locaux en définissant une doctrine claire sur les investissements dans le secteur bancaire :
Sommes-nous prêts à octroyer de nouvelles licences bancaires ? Dans quel cadre et à quelles conditions ?
Sommes nous prêts à abroger/atténuer la règle du 51/49 qui dissuade les IDE dans le secteur ?
Dans le cas ou la règle du 51 49 était maintenue, est-ce que le secteur privé local aurait accès au 51% dans le cadre de partenariat avec des institutions étrangères.
Est-ce que certaines de nos banques publiques sont privatisables ? Lesquelles ? A quelle échéance et à quelles conditions ?
Quelles sont les attentes en matière de nouveaux services financiers ? Quelles sont les conditions à remplir pour leur agrément ?
Il sera aussi important de consolider l'indépendance de la Banque d'Algérie en revenant aux dispositions initiales de la Loi sur la monnaie et le crédit d'avril 1990.
La concurrence devra être le maître-mot de cette stratégie car seule la concurrence peut être le moteur de l'innovation.
La modification et le renforcement de la gouvernance des banques publiques
L'état est omniprésent dans le secteur bancaire : il en est le principal actionnaire, le régulateur et le plus grand client. Une telle configuration n'est-elle pas malsaine et porteuse de relations incestueuses ?
Il est admis que le principal souci de nos banques publiques réside dans leur gouvernance. Dans ce cadre, plusieurs volets méritent une attention particulière.
La clarification du rôle actuel des banques publiques qui apparaît comme ambigüe. Les coûts associés à l'exécution des objectifs non commerciaux des pouvoirs publics doivent être compensés par des affectations budgétaires transparentes et non être noyés dans les bilans des banques faussant ainsi l'évaluation de la performance. Cette séparation permettra en outre une responsabilisation accrue du top management de nos banques publiques. Il est impératif de mettre fin aux injonctions externes qui ont un effet négatif sur l'allocation optimale des ressources. Le respect de l'autonomie des entreprises et la mise en concurrence directe avec les banques privées doivent être la règle.
L'élargissement et le renforcement des conseils d'administration (CA) par l'introduction d'experts bancaires et financiers indépendants du ministère des finances et préalablement certifiés par un organisme indépendant. La dissociation des fonctions de président du conseil d'administration de celles de directeur général est à envisager.
Chaque CA des banques recevra une lettre d'instruction et de missions indiquant pour quels objectifs ses membres ont été désignés ou élus et ce afin de s'assurer d'une responsabilité solidaire et collective.
Le renforcement des outils de pilotage notamment par une refonte totale et une modernisation des systèmes d'information.
La relance de la privatisation partielle ou même totale du CPA et de la BDL dont l'activité sera très fortement réorientée vers le secteur privé notamment les PME. Le renforcement des normes de transparence et des obligations légales de publication de l'information comptable et financière et de celle relative à l'état des risques dans le strict respect des délais réglementaires fixés (normes de disclosure). Le cadre comptable sera renforcé par une mise en œuvre, sans complaisance, des normes IFRS.
à noter que le FMI, dans sa revue pour l'article 4 de juin 2018, annonce qu'un projet de réglementation de la gouvernance bancaire a été élaboré par la Banque d'Algérie. Ce règlement n'a toujours pas été publié.
D'un point de vue méthodologique, il apparaît indispensable que les évolutions réglementaires soient menées, en amont, grâce à une concertation avec la totalité des parties prenantes.
Les évolutions réglementaires
Une attention particulière devra être accordée à l'ajustement du cadre réglementaire dont la finalité sera de soutenir le marché et pas de substituer à lui. Plusieurs urgences, non exhaustives, apparaissent :
La suppression de l'autorisation préalable de la Banque d'Algérie pour l'ouverture de nouvelles agences et la mise sur le marché de nouveaux produits.
La clarification et la simplification du cadre méthodologique pour le traitement des créances irrécouvrables (NPLs)
Un audit complet de cohérence puis un relâchement progressif du contrôle des changes en phase avec le rétablissement des équilibres économiques. Cela permettra de libérer du temps "utile" pour nos banques dont la principale mission est progressivement devenue la vérification de la conformité au contrôle des changes.
L'amélioration du dispositif de supervision et du cadre macro-prudentiel
Pour une meilleure gestion des risques, un meilleur partage de l'information sera crucial. Aussi, le renforcement et la modernisation des registres de crédit (Centrales des risques) pour les entreprises mais aussi pour les particuliers apparaissent comme indispensables. Ces outils de partage de l'information et de gestion des risques doivent devenir plus complets, précis, fiables, accessibles et conviviales. Une réflexion devra être menée sur l'élaboration d'une base de données centralisée des garanties hypothécaires et autres données par les débiteurs.
Une commission bancaire totalement indépendante du gouverneur de la Banque d'Algérie permettrait d'éviter d'éventuels conflits d'intérêt.
La supervision des banques notamment les contrôles sur place et sur pièces accorderont une place plus importante au contrôle des risques et à l'amélioration des processus de gestion par rapport à la philosophie actuellement observée trop fortement concentrée sur le contrôle de l'adéquation avec la réglementation en vigueur.
L'innovation et l'élargissement de l'offre produits notamment en direction des PME
L'ouverture du marché à de nouveaux acteurs et types de services financiers apparaît comme incontournable notamment grâce à la mise en œuvre de facilités à l'introduction des nouvelles technologies qui disposent d'un potentiel transformationnel fort. N'ayons pas peur des approches novatrices et des nouvelles technologies.
Le financement de la PME relève, dans de nombreux pays, de la mobilisation des créances nées. Aussi, la mise en œuvre effective du factoring doit être une priorité. Un texte existe depuis des décennies mais n'a jamais fait l'objet d'un début de mise en œuvre, pourquoi ? Le développement massif et immédiat des moyens de paiement modernes (monétique, internet et mobile banking) est indispensable pour atténuer la prépondérance des paiements actuels en espèces et pour favoriser l'inclusion financière d'une plus large part de la population. Cela nécessitera pragmatisme et flexibilité au niveau réglementaire. La réglementation devant se concentrer sur deux objectifs :
Créer les conditions nécessaires à l'émergence de ces nouveaux services financiers
Veiller à leur fonctionnement sain.
Avec de tels objectifs, nos instances de régulation devront évoluer et modifier leur approche : innovons, créons les nouveaux produits et ensuite seulement légiférons et réglementons.
La création de sociétés spécialisées dans l'information financière notamment celles relatives à la notation externe des entreprises et au partage de normes financières sectorielles (cf. : Dun & Bradstreet, Ellisphere) est à encourager car essentielles à la modernisation du secteur. L'encouragement de l'innovation passe aussi par le soutien du développement de sociétés privées de capital risques dédiées aux Fintech.
Le microcrédit, de nature privée, au-delà des dispositifs "aidés" actuels (Ansej, Angem et Cnac) est à explorer : est-ce bien le rôle du secteur public d'encourager le développement des petites entreprises privées ?
Les produits conformes à la Charia représentent un segment prometteur
Les évolutions institutionnelles nécessaires en dehors du secteur bancaire pour accompagner sa modernisation
Certaines évolutions du système judiciaire pour le rendre plus efficace seront cruciales pour accompagner le développement du secteur bancaire mais aussi financier notamment la rationalisation de certaines de ses procédures. Le droit des sociétés en difficulté nécessitera une modernisation au-delà des volets actuels traitant de la faillite et du règlement judiciaire. Une réflexion sur la possible introduction des procédures spécifiques de conciliation et de sauvegarde apparait indispensable. Les mécanismes de consultation et de règlement des différends devront être plus opérationnels.
Les droits des créanciers devront être renforcés et clarifiés. L'exécution des garanties, dont les délais de mise en jeu sont actuellement très longs, devra être fluidifiée.
Le régime de la faillite personnelle devra compléter notre arsenal juridique actuel.
Formation, développement des compétences et ressources humaines
Le domaine que nous venons de parcourir est vaste et s'anime de nombreuses personnes aux talents multiples des villes et des campagnes utilisant des instruments, des outils et des méthodes de divers qualités. Il y a des zones désuètes qu'il va falloir reconvertir car les technologies modernes vont transformer le marché et de nouveaux acteurs vont apparaître. Le changement va se greffer sur le secteur décrit mais il sera surtout le produit de l'innovation et de la modernisation. L'occasion d'acquérir de nouveaux savoirs, d'accueillir de nouveaux opérateurs, offrant ainsi aux opérateurs actuels de franchir un seuil de compétences nouvelles mieux à même d'assurer leur statut social.
Cette réforme sera donc accompagnée d'un effort colossal de formation et de communication ayant pour finalités :
De produire un choc culturel et faire adhérer à cette réforme
Renforcer la capacité financière de nos banques et de nos entreprises.
Pour conclure, un nouveau cadre macroéconomique devra progressivement être mis en œuvre pour mettre fin à la situation actuelle de répression financière notamment par une libéralisation totale progressive des taux d'intérêt en vue d'atteindre des taux d'intérêt réels positifs et ce aussi bien pour une rémunération équitable des dépôts que pour un pricing réaliste des prêts. Les taux actuels handicapent l'épargne et génèrent des rentes de situation pour ceux qui ont accès au financement à moyen et long terme.La réforme du secteur bancaire est une nécessité incontournable. Mais elle ne sera pas suffisante pour relancer une croissance pérenne et diversifier notre économie si elle n'est pas accompagnée d'un programme cohérent de réformes structurelles dont elle est seulement une partie. Cette rénovation du secteur bancaire devra s'intégrer dans une stratégie plus large. Le secteur bancaire ne pourra pas se transformer dans l'isolement professionnel et solitaire mais il peut être l'agent qui remodule l'ensemble dans la mesure où il est porté par une stratégie nationale. Il faut aussi souligner l'importance du cadre politique obligatoirement reconnu dans son autorité, sa crédibilité et son leadership.Les enjeux sont ici colossaux, et si le projet avortait de nouveau, cela aggraverait la situation et les désillusions. Alors attention que le serpent de mer ne se morde la queue !
Sources : Banque d'Algérie, FMI et calculs de l'auteur. Les données relatives aux banques marocaines ont été publiées dans le rapport de la direction de la supervision bancaire de Bank Al-Maghrib pour 2017. Sur le même sujet, voir article de l'auteur "Algerian Banking in search of a new business model" publié dans Arab Banker, Autumn 2016.

R. S.
(*) Economiste


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