“The Magnificient Welles”, tel est le titre de l'importante rétrospective que le festival du film de Locarno consacre au réalisateur, conteur, scénariste, comédien… américain, Orson Welles. C'est avec cette rétrospective que Locarno a tenu à marquer le quatre-vingt-dixième anniversaire de la naissance et le vingtième de la mort de ce démiurge qui a révolutionné le langage cinématographique, en effaçant les frontières entre les arts. On aurait presque dit qu'une rétrospective pareille n'a pas d'intérêt tant que Welles fait partie de la culture cinématographique des cinéphiles. Qui ne connaît The Third Man, salué par la critique, ou encore Citizen Kane, avec lequel Orson est entré dans le monde du cinéma d'une manière fracassante ? Avec ce coup d'essai et coup de maître, le célèbre acteur de théâtre que fut Welles révolutionna le monde du cinéma, notamment en introduisant la notion de la profondeur de champs et en popularisant la narration par le truchement du flash-back. Mais c'est justement là le point fort de ce programme. En parcourant cette filmographie, plus de 40 films contenant ceux du réalisateur, tous genres confondus — ceux où il a joué ou encore ceux qui le prennent pour sujet — même le plus averti des cinéphiles se rendra compte rapidement qu'un Orson cache un Welles et vice versa. C'est donc là que réside tout l'intérêt de ce programme. Il met à la portée des festivaliers des films peu connus et des projets non aboutis en dévoilant les facettes cachées de ce personnage. Passionné et spécialisé dans les personnages issus de la littérature et du théâtre classique, dont ceux de Shakespeare, Welles a bâti une sérieuse renommée sur les planches en tant qu'acteur. Déjà, à 19 ans, il publia Everybody's Shakespeare. Très vite, curieux, explorateur et ingénieux, il devint une star radiophonique. Parmi les œuvres illustrant cette partie de sa vie figure The War of the Words à qui il a consacré un reportage qui a provoqué un scandale national en 1938. Doté d'une célébrité sur les planches et sur les ondes, il rejoint Hollywood où il a fait ses premiers essais cinématographiques pour la télévision, des courts métrages et des films vidéo. En 1941, à l'âge de 26 ans, Orson Welles sort Citizen Kane où il livre une critique acerbe du pouvoir à travers un patron de presse. Puis les projets s'enchaînent. Les uns, comme The Stranger (1946), Macbeth (1948) et Condidential Report (1955), d'autres dont plusieurs scénarios sont restés inachevés. Orson est resté jalousement accroché à sa liberté. Cela l'a amené très vite à prendre ses distances par rapport aux studios américains. Othello (1952) fut son premier film tourné hors influence des studios américains. D'autres, à l'instar de For Fake (1973) suivront, où le réalisateur se montrait de plus en plus farouche, libertaire et révolutionnaire. Même avec ce gigantesque travail, fruit d'une étroite collaboration entre le Filmmuseum de Munich, la Cinémathèque suisse et le Festival de Locarno, les maîtres œuvres ne promettent pas de réponses exhaustives sur la production de ce démiurge qui ne connaît pas de frontières. Les mystères de son œuvre “ne sont pas percés à ce jour”, écrit Stefan Drossler dans sa présentation dans le catalogue officiel, avant de conclure en disant que les discussions qui auront lieu à Locarno “devront être davantage perçues comme un dialogue ouvert, une impulsion à beaucoup d'autres projets”. Mais une chose est sûre et sur laquelle il est d'accord : la fraîcheur des œuvres de Welles est similaire à celle que la capricieuse météo impose aux festivaliers. T. H.