L'Exécutif tente de défendre la bonne tenue de l'économie, alors que celle-ci reste portée essentiellement par l'investissement budgétaire. Contraint d'agir face à la précarité financière dans laquelle s'est embourbé le pays depuis la mi-2014, le gouvernement s'emmêle les pinceaux et s'empêtre dans des choix budgétaires aussi risqués que contradictoires. Dévoilé à l'issue d'une réunion du gouvernement tenue mercredi dernier, l'avant-projet de loi de finances 2020 n'affiche aucune ambition de croissance, alors que l'actuel exercice et l'année 2019 ont été marqués par un ralentissement net de la croissance. L'Algérie va être rattrapée par une nouvelle décélération de la croissance en 2020 conséquemment à la baisse de 20,1% du budget d'équipement, lequel ralentissement sera aggravé assurément par un contexte politique peu favorable à l'investissement et à l'entrepreneuriat. Cette coupe est d'autant plus frappante par son ampleur qu'il faut craindre un impact inquiétant sur la croissance. Cette prévision de ralentissement de la croissance pour 2020 compliquera, bien évidemment, l'équation de sortie de crise et aggravera, par là même, le coût social de la crise avec, comme conséquences néfastes, la hausse du taux de chômage, le rétrécissement de l'offre interne de biens et services, la contraction de l'assiette des cotisants à la sécurité sociale et à la caisse des retraites, la baisse des recettes fiscales ordinaires, etc. Le gouvernement tente de défendre la bonne tenue de l'économie, alors que celle-ci reste portée essentiellement par la commande publique et/ou l'investissement budgétaire. Il est vrai que la situation des finances publiques est alarmante et qu'il y a objectivement urgence à court terme de réduire le déficit budgétaire, mais la baisse brutale annoncée dans les dépenses d'investissement pourrait se révéler contre-productive, étant donné que l'investissement public génère l'essentiel de la croissance et ne saurait être remplacé de sitôt par l'investissement privé. L'effet retour de manivelle Sur fond de crise d'illégitimité, le gouvernement garde en l'état les dépenses sociales et fait durer le train de vie de l'Etat, alors qu'une partie du budget de fonctionnement est alimenté par les tirages de la planche à billets. Le gouvernement va devoir trouver des ressources de substitution à la planche à billets pour financer le déficit budgétaire qui serait de 1 800 milliards de dinars, alimenter la caisse des retraites et le Fonds national d'investissement, les caisses noires de l'Etat, etc. Dit autrement, si le déficit budgétaire peut baisser et/ou stagner l'année prochaine, sous l'effet des baisses annoncées dans le budget d'équipement, lequel choix va assurément plomber la croissance, l'équation budgétaire dans la partie fonctionnement s'annonce pour le moins tendue avec la perspective de remettre la planche à billets dans ses cartons et la baisse des recettes fiscales sous l'effet d'un ralentissement économique quasi certain. Le renoncement à la monétisation des déficits pourrait, certes, faire reculer le déficit budgétaire et la dette interne, laquelle caracole actuellement à plus de 40% du PIB, mais le choix s'annonce à risque car le gouvernement ne dispose d'aucun substitutif à la planche à billets dans l'état actuel des finances publiques. Une partie de la dette interne, dont le soutien aux prix de l'électricité et du gaz, le paiement des dettes détenues par les entreprises de réalisation auprès des maîtres d'ouvrages publics, des créances rachetées à des entreprises publiques…, a été couverte grâce à l'apport de la planche à billets en argent frais. Emprunts extérieurs : à quel taux ? Le choix de recourir à la production monétaire a été décidé, faut-il le rappeler, après l'épuisement de l'épargne du FRR. Près de deux années après, force est de constater que le pays ne dispose d'aucun autre parechoc financier en mesure de se substituer au FRR et à la planche à billets. Il est peu probable que le financement extérieur puisse être le substitutif idoine au financement non conventionnel. Le gouvernement a pris du retard sur la réduction des déficits. Ces derniers devraient d'ailleurs peser dans le choix des créanciers étrangers si le pays venait à frapper à leur porte. Car, sans l'ombre d'un doute, le premier indicateur que les créanciers examineront est le déficit budgétaire qui, faut-il le souligner, est en très mauvaise posture depuis plusieurs années. La décision de recourir à l'endettement extérieur assumée par le gouvernement, désigné de surcroît pour gérer les affaires courantes, risque de prendre du temps et de buter également sur l'état d'un pays de moins en moins solvable. Autrement, si les emprunts extérieurs s'annoncent inévitables, ils se feront incontestablement à des conditions contraignantes et onéreuses. Du reste, le choix de recourir à nouveau à l'importation des véhicules de moins de trois années d'âge relève d'une pure politique de répression contre les options industrielles des précédents gouvernements que d'une politique réfléchie aux fins d'un quelconque retour sur investissement à court et à long termes. Ces choix budgétaires contenus dans l'avant-projet de loi de finances 2020 se révèlent ainsi aussi contradictoires que risqués pour un gouvernement en mal de légitimité.