La page du financement non conventionnel, engagé fin 2017 serait-elle définitivement tournée par les responsables du pays ? C'est une question bien précise dans la mesure où la dernière déclaration du ministre des Finances Mohamed Loukal parle d'un " gel pour l'année 2019 " mais précise, toutefois, que ce type de financement est un instrument valable jusqu'à 2022 ! Au fait, c'est le 23 juin dernier que le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Hassane Rabhi, avait annoncé " officiellement " que l'ère de la planche à billets était "révolue". Mais cette décision pose un problème à l'Exécutif pour faire face à ses engagements budgétaires, notamment après l'abandon du financement non conventionnel. Et sur ce cas précis, M. Rabhi a assuré que "le gouvernement avait pris des mesures devant permettre au pays d'éviter les risques qui pourraient porter préjudice à l'économie nationale". "La préservation du pays, de l'économie et ses institutions nationales est la responsabilité de tout un chacun", a-t-il affirmé, en marge du lancement d'un programme de formation sur l'environnement au profit de journalistes. Un mois plus tard, et dans une interview à l'APS, avant-hier, le ministre des Finances, Mohamed Loukal, a confirmé que le recours au financement non conventionnel, dès la fin 2017, pour pallier les rétrécissements des liquidités bancaires, suite à la chute des cours du pétrole, a été "gelé" pour l'année 2019, mais restera un instrument de financement valable jusqu'à 2022. Le financement non conventionnel a été gelé pour l'exercice en cours (2019), mais il reste un levier important, mais non exclusif, de financement pour le Trésor jusqu'à 2022", a-t-il déclaré dans un entretien accordé à l'APS. M.Loukal a, dans ce sens, fait savoir que la décision de "suspendre temporairement" le recours à ce mode de financement, communément appelé "planche à billets", a été prise lors d'une réunion du gouvernement, tenue le 26 juin dernier. Rendu possible grâce à un amendement de la loi sur la monnaie et le crédit, autorisant le Trésor public à s'endetter directement auprès de la Banque d'Algérie (BA), le financement non conventionnel était programmé pour une période transitoire de cinq ans (2017-2022). Cette période devait voir la concrétisation de réformes structurelles importantes.
Bref rappel Appelé communément "la planche à billets", ce mécanisme de financement représentait, selon les arguments avancés par le gouvernement de l'époque, une "réponse urgente" aux rétrécissements des liquidités bancaires, du fait d'une chute brutale des cours du pétrole à compter de la mi-2014, alors que le recours aux alternatives de l'endettement extérieur ou l'introduction de nouveaux impôts était catégoriquement exclu. La crise financière sévère, induite par le déclin drastique des prix pétroliers, s'est traduite notamment par l'épuisement du Fonds de régulation des recettes (FRR), en février 2017, amenant l'Algérie à recourir à ce dispositif transitoire. Entre la fin de 2016 et celle de 2017, les réserves de change du pays s'étaient contractées de près de 17 milliards de dollars, passant de 114 mds USD à 97,3 mds USD. Outre la couverture des besoins du Trésor, le financement non conventionnel était destiné au remboursement de la dette publique interne, notamment les titres de l'Emprunt national pour la croissance, levé en 2016, ainsi que les titres émis en contrepartie du rachat de la dette bancaire de Sonelgaz et ceux émis au profit de Sonatrach, en compensation du différentiel sur les prix des carburants importés et de l'eau dessalée. Aujourd'hui, le gouvernement a décidé de satisfaire les besoins de financement de l'exercice 2019 sans recourir, de nouveau, au financement non conventionnel qui restera figé à son niveau de janvier 2019, soit à 6.553,2 milliards (mds) de DA", a précisé M. Loukal. Et concernant la prise en charge des besoins de financement au titre de l'année en cours, le ministre a expliqué qu'elle sera assurée par des "sources alternatives", disponibles sur le marché, avec une politique budgétaire basée sur une rationalisation soutenue des importations.
Quelques chiffres cités Le ministre des Finances, M. Loukal, a indiqué d'ailleurs que sur les 6.553,2 mds DA mobilisés dans le cadre du financement non conventionnel, appelé communément "la planche à billets", environ 5.500 mds de DA ont été injectés dans l'économie. "Il reste donc 1.000 mds de DA environ, mobilisés depuis le 18 janvier 2019, qui sont destinés à financer une partie du déficit du Trésor de l'exercice en cours", a-t-il souligné. La crise financière sévère, induite par un déclin drastique des prix pétroliers, s'était traduite par l'épuisement du Fonds de régulation des recettes (FRR), en février 2017, et l'enregistrement de 1.400 mds de DA d'arriérés de paiement à fin 2017. En dépit de cette situation financière fragile, l'année 2017 a été marquée par le retour à l'expansion budgétaire due à la relance de la réalisation de projets socio-économiques dans les secteurs de l'éducation, la santé et des Ressources en Eau. En guise de rappel, le ministre fait remarquer que "Cette situation s'est traduite par des tensions accrues sur la trésorerie de l'Etat faisant naître un besoin de financement conséquent, alors que le budget avait utilisé tous les instruments dont il pouvait disposer", rappelle-t-il pour justifier le recours au financement non conventionnel en 2017. De plus, il est important de signaler que la poursuite de l'expansion budgétaire et la prise en charge du déficit de la Caisse Nationale des Retraites (CNR) a aggravé le déficit du Trésor en 2018, lequel a atteint 1.952,57 mds de DA (9,6% du PIB), dont 900 mds de DA ont été couverts par le recours au financement non conventionnel. Avec les 570 mds de DA mobilisés en 2017, la couverture du déficit du Trésor par le biais de ce financement avait atteint 1.470 mds de DA à fin 2018, a relevé encore le ministre.
Aucun arriéré n'est enregistré par le Trésor La trésorerie de l'Etat est "relativement tendue", mais elle permet de faire face à la dépense publique, a affirmé le ministre des Finances, Mohamed Loukal, précisant que le Trésor public n'enregistrait aujourd'hui aucun arriéré de paiement envers les entreprises réalisatrices de projets d'investissement. "La situation de la trésorerie de l'Etat, quoique relativement tendue, est maîtrisée et permet de faire face à la dépense publique, que ce soit pour le budget de fonctionnement, y compris le remboursement de la dette publique, ou pour le budget d'équipement, ainsi que pour les opérations du Trésor", a-t-il avancé dans un entretien accordé à l'APS. Même les retards de paiement, pouvant être éventuellement enregistrés sur le budget d'équipement, "ne peuvent être dus qu'à des questions de conformité des dossiers introduits par les ordonnateurs et par le respect des procédures en vigueur", a-t-il précisé. "Ces retards éventuels ne pourraient, en aucun cas, être imputés à des tensions de trésorerie", a-t-il soutenu. Chiffres à l'appui, le ministre a indiqué qu'à fin mars, les décaissements effectués dans le cadre de l'exécution des dépenses budgétaires portent sur un montant global de 2.448,5 milliards (mds) de DA, répartis entre le budget de fonctionnement (1.556,5 mds de DA) et le budget d'équipement (891,9 mds de DA). Les interventions du Trésor, sous forme de prêts aux entreprises et autres organismes publics ont totalisé, à la même date, un montant de 395,5 mds de DA. Pour ce qui est du paiement des rémunérations et des pensions de retraite, "aucune perturbation n'est enregistrée au niveau des guichets du Trésor ou des CCP", selon M. Loukal.
Trésor: 2.436 mds de DA dé déficit attendu en 2019 Les dépenses de la Caisse nationale de retraite (CNR) ont fait l'objet d'un financement de 300 mds de DA, versés en janvier 2019, et d'un second financement, au titre du deuxième semestre 2019, par "tranches correspondant aux besoins réels de la Caisse", a-t-il précisé. Une première tranche de 80 mds de DA a été versée à la CNR début juin 2019, selon lui. Estimé annuellement à 600 mds de DA, le financement du déficit de la CNR constitue "un impact important et persistant sur les finances publiques, en attendant sa réduction dans le cadre de la refondation du système de retraite actuel", a souligné le ministre. A la fin du premier trimestre 2019, le déficit du Trésor a atteint 1.352,5 mds de DA, un déficit qui devrait se creuser pour atteindre 2.436 mds de DA (11,6% du PIB) à la fin de l'année en cours (la loi de finances 2019 prévoit un déficit du Trésor de 2.200 mds de DA), selon le ministre. Pour couvrir les 2.436 mds de DA de déficit, quelque 1.000 mds de DA ont été déjà mobilisés, en janvier 2019, dans le cadre du financement non conventionnel. Sur les 6.553,2 mds DA mobilisés dans le cadre de ce financement, environ 5.500 mds de DA ont été injectés dans l'économie, ce qui donne un reliquat de 1.000 mds de DA mobilisés pour financer une partie du déficit du Trésor. Pour le ministre, les principaux "challenges" en matière d'opérations du Trésor concernent notamment le financement du déficit de la CNR (600 mds de DA/an) et la dotation octroyée au Fonds national d'Investissement (FNI), estimée à 500 mds de DA/an, pour assurer la continuité du financement de projets d'investissement. "Nous avons les moyens pour relever ces challenges", a-t-il assuré.