Le premier secrétaire du FFS, Hakim Belacel, revient dans cet entretien qu'il nous a accordé sur les derniers développements de la scène politique nationale, ainsi que sur la nouvelle feuille de route du pouvoir, notamment l'organisation de la présidentielle en décembre prochain. Liberté : Le pouvoir a fixé la date du scrutin présidentiel au 12 décembre prochain. Que cache réellement cette nouvelle échéance ? Hakim Belacel : Le constat est sans appel. La peur a changé de camp. Le régime est aux abois. Il se barricade derrière un arsenal juridique et sécuritaire pour se protéger derrière une mascarade électorale pour se perpétuer, face à la révolte populaire qui, depuis plus de sept mois, exige un changement radical du système, la dissolution de ses institutions illégitimes et la mise en œuvre du processus de transition démocratique. Le pouvoir persiste à ne pas renoncer à sa feuille de route, en espérant parvenir, avec le temps, à dissuader le peuple algérien d'abandonner ses revendications politiques légitimes et d'accepter un autre coup de force électoral. Mais le peuple algérien n'est plus dupe. Il ne croit plus aux fausses promesses de ce régime d'instaurer un Etat de droit démocratique et social. La propagande du régime n'a pas réussi à entamer la détermination sans faille des Algériennes et des Algériens à poursuivre leur lutte, en dépit de toutes les tentatives de division de leurs rangs. Le caractère pacifique de cette lutte, malgré les provocations et les répressions, viendra inévitablement à bout de ce régime et fera triompher ses revendications. Le FFS est convaincu que cette stratégie du pouvoir à imposer le statu quo avec cette pseudo-élection est vouée à l'échec, car ce scrutin n'est destiné qu'à consacrer une alternance clanique dans le système et non pas à changer le système.
Le FFS est-il partant pour ce nouveau scrutin ? Le FFS est un parti sérieux et responsable. Il n'a pas dans son ADN politique et historique les gènes de la compromission et du renoncement à ses valeurs, à ses principes et à son projet politique fidèle aux idéaux du 1er Novembre et à la Plateforme de la Soummam. L'histoire retiendra que notre parti a été le premier parti politique d'opposition à prendre la décision de boycotter le dernier scrutin présidentiel qui allait ouvrir la porte à un 5e mandat au profit du chef de l'Etat déchu. Ce fut également notre ligne de conduite pour les quatre mandats précédents, car nous avions jugé, à juste titre, que les conditions politiques n'étaient pas réunies. La fraude électorale qui a été institutionnalisée par les décideurs qui se sont succédé n'a pas permis au peuple algérien, jusqu'à présent, de choisir en toute liberté ses représentants légitimes aux niveaux local et national. Aujourd'hui encore, le FFS considère que le prochain scrutin présidentiel, décidé d'une manière unilatérale et autoritaire par les tenants du pouvoir, ne mobilisera que ses promoteurs et leurs clientèles. Il ne faut donc pas s'attendre à ce que le FFS serve de caution et d'alibi à une mascarade électorale. Quel commentaire faites-vous concernant la candidature de deux ex-Premiers ministres de Bouteflika, Tebboune et Benflis ? Nous sommes face à un processus électoral biaisé et caduc à tous les niveaux. La multiplication des candidatures fantoches et l'accélération de la cadence des préparatifs pour imposer un autre coup de force électoral ne feront que dissuader davantage la majorité de nos concitoyennes et concitoyens. Comme de coutume, le pouvoir ne sera pas angoissé par le rejet populaire massif de ce genre de joutes électorales. Il fera en sorte de créer un vernis démocratique à cette échéance par la multiplication des candidatures, l'instrumentalisation des médias aux ordres pour couvrir la campagne électorale, le concours d'une administration rodée aux fraudes électorales, puis le recours à des observateurs internationaux qui vont évidemment donner caution et crédit à cette nouvelle mascarade électorale. C'est regrettable et condamnable à la fois. La candidature annoncée des anciennes figures du régime qui ont occupé et assumé des postes décisifs pendant ces vingt dernières années est une provocation de plus pour le peuple algérien et une remise en cause flagrante de ses exigences révolutionnaires. Ce qui est certain, c'est que le peuple algérien n'acceptera jamais que sa révolution soit avortée de la sorte. L'Algérie libre et démocratique mérite tous les sacrifices. L'opposition politique reste éparpillée et éprouve des difficultés à construire un consensus. Quelles en sont, selon vous, les raisons ? Cette autorité soi-disant indépendante que dirige un ancien produit du système n'a aucune crédibilité car résultant d'un pseudo-dialogue initié par les tenants du pouvoir afin de faire croire à l'opinion publique nationale et internationale de la transparence du processus électoral décidé en haut lieu. C'est une évidence que ce pouvoir a délibérément orchestré un autre simulacre de dialogue, en choisissant ses acteurs, ses termes et ses aboutissements. Le peuple algérien, l'essentiel de la classe politique de l'opposition et les organisations sociales autonomes se sont démarqués de cette énième manœuvre des décideurs actuels, tout en la qualifiant d'arbitraire et de méprisante. Le FFS a dénoncé énergiquement cette logique de fait accompli, tout en mettant en relief la nécessité impérieuse d'aller vers un véritable dialogue global, sérieux et inclusif pour trouver une issue raisonnable à la crise complexe qui met en péril l'unité de la nation et l'avenir de notre chère patrie. Des propositions de sortie de crise existent. Le FFS a lancé une initiative politique visant à rassembler les acteurs du changement démocratique pour l'instauration d'un Etat de droit et l'avènement de la deuxième république. Cette démarche consiste à aller vers une période de transition comme unique moyen démocratique pour aboutir à un processus électoral conforme aux aspirations du peuple algérien. Cette initiative a élaboré les mécanismes de transition et a mis au point les étapes à franchir jusqu'à l'élection d'une assemblée nationale constituante souveraine en stricte adéquation avec les exigences populaires. Les mécanismes de transition programmés sont la Convention nationale de suivi et de contrôle de la transition (CNSCT), l'Instance de suppléance de la présidence et un gouvernement provisoire. En même temps, le FFS s'est activement investi dans la construction d'un rapprochement sans précédent avec des partis issus de la mouvance démocratique, des organisations sociales et des acteurs politiques autonomes. Cet effort a abouti à la signature d'un pacte politique pour une véritable alternative démocratique, enrichi et adopté lors de la convention thématique tenue il y a de cela un mois. Comment voyez-vous la riposte du "hirak" lors des prochaines semaines pour contrer le projet de cette présidentielle, puisque les tenants du pouvoir sont visiblement décidés à aller au bout de leur logique ? Au FFS, nous sommes plus que convaincus que ce sursaut populaire, qui a impressionné le monde entier grâce à sa force tranquille, son caractère pacifique et unitaire et surtout grâce à sa ténacité à faire aboutir ses revendications politiques, ne sera jamais dupé ou appâté par ce scrutin et ses fausses promesses électorales. Les Algériens feront avorter cette nouvelle forfaiture du pouvoir et de ses appareils et ce, d'une manière pacifique et savante.
Pour vous, la situation a-t-elle changé depuis l'annulation du scrutin présidentiel du 4 juillet dernier ? Si c'est le cas, en quoi ? En réalité, la situation n'a fait qu'empirer et les chances d'un règlement rapide de cette crise politique s'amenuisent de jour en jour. Au lieu de collaborer sérieusement et sincèrement, afin de trouver des solutions consensuelles et réalisables pour sortir de cette impasse dangereuse, le pouvoir n'a fait que réprimer les manifestants, interdire les marches, intimider les acteurs politiques et sociaux, interpeller de jeunes étudiants et multiplier les arrestations arbitraires et abusives. Pis encore, les décideurs autoproclamés n'ont pas trouvé mieux que de couper la capitale du reste du pays, pour empêcher la population de venir y manifester. En vain. Le FFS a dénoncé avec force ces violations des droits des citoyens à circuler librement dans leur pays et à manifester, comme il a fustigé le comportement irresponsable et surréaliste de certains médias aux ordres, notamment l'ENTV, dont la propagande haineuse vise à la dislocation du mouvement révolutionnaire en semant les graines de la violence et du désordre dans le pays.