Le texte de loi amendant le code de procédure pénale, actuellement au niveau de la commission juridique et des affaires administratives de l'Assemblée nationale, propose de conférer des prérogatives élargies aux officiers de la police judiciaire. La proposition majeure concerne essentiellement les services d'investigation de la Direction générale de la sécurité intérieure qui, en 2015, étaient sous l'égide de la Présidence et qui relèvent actuellement du ministère de la Défense. Ces amendements n'agréent pas la défense. Des avocats n'ont pas hésité à le dénoncer. Les dispositions de l'article 6 bis, qui imposaient une plainte préalable des organes sociaux relevant des entreprises publiques économiques dont l'Etat détient la totalité de capitaux ou à capitaux mixtes pour la mise en mouvement de l'action publique, ont été également annulées dans la nouvelle mouture du code de procédure pénale. Les officiers de police judiciaire peuvent désormais procéder à des enquêtes sans être habilités par le parquet. Ils peuvent également procéder à des perquisitions sans mandat délivré par le procureur de la République pour toutes les affaires prévues par la législation pénale nationale. "Effectivement, les amendements apportés au présent projet amendant le code de procédure pénale permettent l'exploitation de toute information pour enclencher une enquête préliminaire. Dans un sens, c'est une bonne chose. À condition que la perquisition reste sous la tutelle du parquet. C'est-à-dire, les officiers de police judiciaire doivent présenter un rapport d'information sur la base duquel, le parquet délivre un mandat de perquisition ou s'abstient de le faire. Sinon, on risque d'ouvrir la voie à pas mal de dérives qui vont porter atteinte aux droits élémentaires du citoyen", explique Me Sidhoum, qui ajoute qu'"il faut revenir en arrière pour comprendre. C'est ce service qui a diligenté les enquêtes sur l'autoroute Est-Ouest et Sonatrach 1 et 2. Les modifications apportées au code de procédure pénale en 2016, surtout dans ses articles 15, 16 et 17, ont bloqué ce service d'investigation. Car les amendements en question l'ont obligé à opérer sous le contrôle du parquet". De son côté, Me Nasr Eddine Lezzar n'est pas moins critique au sujet du texte. "Autoriser des policiers à prendre toutes les mesures d'investigation sans habilitation du procureur est une grave dérive et une menace sur les libertés individuelles et les garanties d'inviolabilité des droits de la personne humaine", pense-t-il, poursuivant que "cette dispense des mandats du parquet pour mener des perquisitions et autres mesures de recherche et d'investigations est un transfert des pouvoirs des procureurs, qui sont des magistrats ‘debout' à des policiers... La situation est aggravée par l'application de cette dispense à toutes les infractions pénales quelle que soit leur nature. Cet amendement met notre législation en porte-à-faux avec les instruments internationaux de protection des droits de l'Homme ratifiés par notre pays. Nous passons subrepticement d'un Etat de droit, même formel, à un état policier au sens plein du terme. Nous sommes devant une extension excessive des pouvoirs de police, caractéristique des états d'urgence et des états d'exception. Cet amendement est un passage à un état d'urgence permanent". L'avocat s'interroge également sur l'habilité "d'un gouvernement précaire, illégal et illégitime à engager des réformes de cette envergure". L'annulation de la nécessaire plainte des organes sociaux pour engager des poursuites contre les cadres d'entreprise plonge ces derniers dans une situation de totale insécurité, estime, en outre, Me Nasr Eddine Lezzar, qui rappelle que dans l'ancien code de procédure pénale, la plainte préalable des organes sociaux "a été introduite dans le cadre de la dépénalisation des actes de gestion". L'Union nationale des barreaux d'Algérie n'a pas jugé opportun de participer aux modifications apportées au code de procédure pénale. Approchée par le ministre de la Justice afin de débattre de ce texte quand il était en phase d'élaboration, elle a décliné l'invitation, estimant que ce projet de loi ne constituait pas une "urgence". "Il n'est pas opportun d'amender le code de procédure pénale dans la conjoncture actuelle", tranche Salah Brahimi, bâtonnier de Tizi Ouzou et membre du bureau de l'Union nationale des barreaux d'Algérie. Il refuse même de donner son avis sur son contenu, estimant que "participer au débat, c'est donner de la consistance au travail d'un gouvernement illégitime".