Les magistrats sont restés, tout au long de la journée d'hier, confinés dans leurs bureaux, n'assurant que les référés. Le président du SNM a attesté que la grève ne pénalisera pas les justiciables. La présence de fourgons cellulaires de la police dans la ruelle longeant le bâtiment du tribunal de Sidi M'hamed, rue Abane-Ramdane, à Alger, augure une situation exceptionnelle. Dans la salle des pas perdus du tribunal, quelques citoyens palabrent à voix basse. Sur les écrans à l'entrée des salles d'audience défile la liste des affaires programmées, pour ce premier jour ouvrable de la semaine. Pourtant toutes les chambres, qu'elles soient pénales, civiles ou des affaires sociales, sont vides. Les magistrats exerçant dans cette juridiction de première instance font écho au mot d'ordre de grève illimitée lancé la veille par le SNM (Syndicat national des magistrats). Ils se sont confinés dans leurs bureaux, évitant le contact et avec les justiciables et avec les avocats, nous dit-on. De passage, Me Aouicha Bekhti est interpellée par la sœur de Madjid Haddadène, arrêté jeudi matin lors de la marche des avocats pour avoir déployé l'emblème amazigh. Placé en garde à vue, il devait comparaître, hier, devant le procureur de la République. Les juges boycottent, néanmoins jusqu'à nouvel ordre, toutes les présentations de prévenus. "Il sera reconduit à la cellule du commissariat. Mais il ne peut être maintenu en garde à vue plus de 96 heures (deux fois 48 heures) ; il sera probablement relâché demain (ce lundi, ndlr). Nous suivons de près ce dossier", nous explique Me Bekhti. Il en sera de même pour toutes les personnes qui auront épuisé la durée maximale de la garde à vue. C'est l'une des conséquences du débrayage des magistrats, qui ont décidé de s'abstenir d'ouvrir ou de présider des audiences dans les tribunaux, les cours et la Cour suprême et de signer des documents de justice, à l'exception des autorisations d'inhumer. Toutes les affaires sont systématiquement reportées à des dates ultérieures, sauf celles en référé et l'examen des demandes de prolongation de mandat de dépôt ou des requêtes de libération de détenus. "Nous ne faisons pas la grève pour retarder les dossiers des citoyens et ce, sans faire de distinction entre les affaires liées au hirak et les autres", a déclaré Issad Mabrouk, président du SNM, à Liberté, qui s'enquérait auprès de lui du sort réservé aux manifestants, en attente de l'épilogue de leur procès, à partir du mardi 29 octobre. Il a indiqué, au passage, que le bureau du syndicat se réunira aujourd'hui pour se concerter sur les actions à entreprendre dans le sillage du mouvement de grève. Il n'en dira pas davantage. Les magistrats, conglomérés hier sur le parvis de la cour d'Alger au Ruisseau, n'ont pas consenti, non plus, à commenter le mouvement devant les représentants de la presse nationale. À la mi-journée, le SNM a rendu public un communiqué dans lequel il affirme que le taux de suivi de la grève a atteint, à l'échelle nationale, la barre des 96%. Certaines sources affirment que le ministère de la Justice a saisi le tribunal administratif de Bir Mourad-Raïs en référé d'heure à heure dans l'objectif d'obtenir un jugement déclarant la grève du corps de la magistrature illégale. Il aurait été logiquement débouté. Comme les magistrats se cantonnent dans l'obligation de réserve, l'information n'a été ni confirmée ni infirmée d'ailleurs.