Lors de cette rencontre, les intervenants sont revenus sur les origines de la "négritude", mouvement à la fois littéraire et politique créé durant l'entre-deux-guerres, et la portée de ses principes et de son message dans l'Afrique d'aujourd'hui. Le stand du Sénégal, pays invité d'honneur de ce 24e Salon international du livre d'Alger, qui se tient du 31 octobre au 9 novembre à la Safex, a abrité une conférence autour de la négritude et l'un de ses fondateurs, Léopold Sédar Senghor. Les intervenants de ce débat, modéré par Racine Senghor, n'étaient autres qu'Alioune Badiane (ancien directeur de l'Ecole nationale des beaux-arts du Sénégal, directeur de l'Académie internationale des arts) et Alioune Badara Diané (professeur d'université). Les orateurs ont entamé leurs interventions par un retour aux origines de la "négritude", mouvement à la fois littéraire et politique, créé durant l'entre-deux-guerres par Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, René Depestre, Léon Gontran-Damas, Guy Tirolien et Birago Diop. Senghor, poète, écrivain et, plus tard, premier président de la République du Sénégal, donnera une importance particulière à la culture et aux arts, tout aussi puissants que la démarche politique pour l'émancipation de l'homme noir. Les militants du mouvement de la négritude, a expliqué Badiane, s'étaient "regroupés autour d'Alioune Diop", fondateur de la revue Présence Africaine. Pour eux, "vouloir négocier l'indépendance des colonies africaines, c'est aussi démonter et illustrer les capacités des peuples africains à inventer et à développer des savoirs élevés dans tous les domaines de la vie humaine pour ne mériter ni l'esclavage ni le colonialisme". Alioune Badara Diané se demandera, quant à lui, quelle est la portée des valeurs de Senghor et son mouvement aujourd'hui ? "Les questions essentielles posées par la négritude à ses débuts demeurent d'actualité", a-t-il fait savoir. "Les problèmes de Senghor ne sont plus les mêmes, le contexte a également changé, mais les questions qu'ils posent sont là : la place du Noir dans le monde actuel, la question de l'identité : qui sommes-nous ? Un mélange entre Occident et Afrique, ou authentiquement Africains ?" Et de continuer : "La question de la paix également, la civilisation et le dialogue des cultures qu'il a traités dans le dernier tome de son ouvrage Les dialogues des cultures. La place de l'homme dans la société ne doit pas être déterminée par son pouvoir financier. De nos différences, nous devrions pouvoir construire des richesses." Aussi, pour l'universitaire, ce statu quo de l'homme africain dans le domaine social, politique, civilisationnel et identitaire est dû au rapport de force entre le berceau de l'humanité et l'Occident. "Dans le monde, le pouvoir de décision appartient à ceux qui dominent les finances. Les Africains ne sont pas écoutés, ils devraient se battre pour faire entendre leur voix. C'est pourtant regrettable quand on voit que le sous-sol africain est en train de tarir, mais qu'il n'en profite pas", a martelé Alioune Diané. Au niveau sénégalais, l'action de gestion des différents chefs d'Etat est dictée, selon Alioune Badiane, "par la négritude et les principes de Senghor", notamment dans le domaine culturel, puisque le poète avait grandement œuvré pour le déploiement de la culture et des arts sénégalais et africains en son temps. "Cette action, a souligné Badiane, est une démarche binaire : objective et subjective. Elle se concentre également sur la protection des artistes, leur promotion, leur accompagnement."