Le candidat à la présidentielle du 12 décembre prochain, Ali Benflis, a présenté, hier à Alger, son programme électoral. Intitulé "Programme d'urgence nationale", l'ancien chef de gouvernement, deux fois candidats malheureux à la présidentielle (2004 et 2014), s'est engagé à "satisfaire" les revendications de la rue. "Nous allons attaquer d'abord le chantier de la Constitution", a-t-il dit, ajoutant que la nouvelle loi fondamentale sera élaborée par une nouvelle Assemblée nationale. "C'est une commission spéciale constituante au sein d'une nouvelle Assemblée nationale qui s'en chargera", a précisé Ali Benflis. La gabegie, la corruption, les atteintes aux libertés, la soumission de la justice…, tels sont, entre autres, les aspects sur lesquels Ali Benflis a conçu son programme d'urgence nationale et contre lesquels il a promis de remédier en s'attaquant à une révision constitutionnelle et à la mise sur pied d'un gouvernement "d'ouverture". Cependant, les propositions d'Ali Benflis sont cruellement bâties sur un déni de réalité. En faisant l'impasse sur des aspects, et pas des moindres, de la crise politique que vit le pays, "le programme d'urgence nationale" que propose le candidat de Talaie El-Houriat semble tronqué. Autrement dit, Ali Benflis a émaillé son programme de formules telles qu'elles rendraient jaloux les autres concurrents, mais elles sont, fatalement, en déphasage total avec la réalité. En effet, dans son discours prononcé devant ses fans venus de plusieurs wilayas du pays, Benflis n'a pas soufflé mot sur les détenus d'opinion. Une donne que l'orateur a élaguée sciemment de son discours, alors que la revendication de leur libération fait l'unanimité au sein du mouvement populaire. Il a également fait l'impasse sur la position de la rue quant à l'élection du 12 décembre prochain. Cette omission, volontaire bien entendu, n'est surtout pas pour aider à convaincre le corps électoral qui a déjà fait son choix. Ces hiatus que le chef de Talaie El-Houriat a commis délibérément et consciemment confirment, si besoin est, le décalage entre une "élite" politique engagée dans un processus que le peuple rejette. Est-il légitime pour parler des aspirations du mouvement populaire, lui qui a choisi son camp ? Tel un leitmotiv, cette question lancinante accable les candidats dont Ali Benflis, même si ce dernier considère qu'il fait de sa candidature "un rempart contre un 5e mandat déguisé", dans une allusion à son rival Abdelmadjid Tebboune. Donner cette dimension à sa participation à une présidentielle rejetée par la rue est-elle suffisante pour gagner la sympathie de la rue ? Pas si sûr, même si l'ancien chef de gouvernement évoque un mandat "de transition", qui s'inspire des aspirations de la rue. Toutefois, le programme d'Ali Benflis résume la crise aux effets de la mauvaise gouvernance des deux dernières décennies, soit sous le règne d'Abdelaziz Bouteflika.