"Les élections de dimanche n'ont pas résolu les difficultés pour articuler une majorité de gouvernement. Au contraire, elles les ont aggravées", a résumé hier le premier quotidien généraliste espagnol El Pais. Bond de l'extrême droite, recul des socialistes, effondrement des libéraux : l'échiquier politique espagnol était encore plus chaotique hier au lendemain des législatives, compliquant à l'extrême la formation d'un nouveau gouvernement. Vainqueur dimanche, le chef du gouvernement socialiste sortant Pedro Sanchez a en effet manqué son pari de sortir renforcé de ces quatrièmes élections générales en quatre ans pour mettre fin à l'instabilité politique qui mine le pays depuis 2015. Il a au contraire perdu des sièges et compte 120 députés contre 123 après le dernier scrutin d'avril. La surprise a été créée par le parti d'extrême droite Vox qui a plus que doublé son nombre de sièges à 52 sur 350 pour devenir le troisième parti d'Espagne. Les libéraux de Ciudadanos se sont eux effondrés avec 10 députés contre 57, ce qui a poussé leur chef Albert Rivera à annoncer hier sa démission et son retrait de la vie politique. Dans ce parlement encore plus fragmenté, la formation d'un nouveau gouvernement va être un casse-tête encore plus difficile à résoudre. C'est le cas en particulier des conservateurs du Parti Populaire (PP), qui ont redressé la barre (88 sièges) après le pire résultat de leur histoire en avril (66). Les socialistes espéraient pouvoir compter sur une abstention du PP lors d'un vote de confiance à la chambre pour que Pedro Sanchez puisse gouverner en minorité. Mais cette option s'éloigne selon les analystes en raison du bond de Vox, qui a exploité l'émoi suscité par les troubles en Catalogne, où la condamnation mi-octobre à de lourdes peines de prison de 9 dirigeants indépendantistes a provoqué de nombreuses manifestations parfois violentes. "La concurrence entre Vox et le PP à droite peut inciter le PP à ne pas faciliter la formation d'un gouvernement socialiste", juge ainsi Antonio Barroso du cabinet Teneo. Dans ce contexte, les socialistes n'ont pas dévoilé leurs cartes hier matin, se contentant d'appeler les autres partis à les laisser gouverner en minorité en tant que première force du pays. "Nous demandons à tout le monde de changer de critères, de faire preuve de générosité pour l'intérêt du pays", a déclaré la numéro deux du gouvernement, Carmen Calvo. Si le PP refuse de s'abstenir lors d'un vote de confiance, les socialistes devront aller chercher leurs soutiens à gauche, en particulier auprès du parti de gauche radicale Podemos qui a cédé du terrain, mais dispose toujours de 35 députés. La méfiance est toutefois tenace entre les deux formations qui ont échoué à s'entendre cet été sur la formation d'un gouvernement de coalition, ce qui a précipité la convocation du scrutin anticipé de dimanche. Elles ont de plus des positions antagonistes sur la crise catalane qui a dominé la campagne. Dans tous les cas, s'il est appuyé par Podemos, M. Sanchez devra aller chercher l'appui indispensable d'autres formations pour arriver au seuil de majorité de 176 députés. Et notamment d'une partie des indépendantistes catalans, un scénario à première vue risqué politiquement au vu des tensions en Catalogne. Pour se passer de l'appui encombrant des séparatistes, qui avaient lâché M. Sanchez en février après avoir soutenu son arrivée au pouvoir en juin 2018, une autre solution également compliquée pourrait être l'appui simultané de Podemos, des nationalistes basques et de Ciudadanos. R. I./Agences