Tout au long de l'itinéraire, la communauté universitaire de Tizi Ouzou n'a pas raté l'occasion de prononcer son verdict, elle aussi, contre les juges qui ont condamné les porteurs de l'emblème amazigh. Ni la pluie battante, ni le froid glacial, ni l'itinéraire inondé et impraticable même à pied à cause des eaux stagnantes n'ont empêché les centaines d'étudiants et d'enseignants de l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou d'être au rendez-vous de la 38e marche pour le changement radical du système, le rejet de l'élection et la libération des détenus d'opinion et pour port du drapeau amazigh. En effet, étudiants et enseignants ont fait front commun pour battre le pavé de l'entrée de l'université vers la cour de justice, située à l'autre bout de la ville, où la marche s'est transformée en un rassemblement de dénonciation de la condamnation, par le tribunal de Sidi M'hamed, des manifestants pour port du drapeau amazigh. Sur place, comme tout au long de l'itinéraire emprunté, la communauté universitaire de Tizi Ouzou n'a pas raté l'occasion de prononcer son verdict, elle aussi, contre les juges qui ont condamné les porteurs de l'emblème amazigh. En approchant de la cour, les manifestants reprenaient en chœur les slogans habituels appelant à la libération des détenus et rejetant l'élection du 12 décembre, et surtout des slogans fustigeant la décision de la justice. "Chraw el qadhi bedinar", "Libérez les otages", "Âadalat téléphone", "Ya lil âar, el qadhi wala haggar" ou encore "La police, la justice, tout le monde est complice", scandaient-ils entre autres. Les enseignants qui ont formé leur propre carré ont brandi deux banderoles sur lesquelles on pouvait lire : "Libérez les détenus d'opinion, libérez l'Algérie" et "Les enseignants de l'UMMTO rejettent les élections de la honte". Sur une autre pancarte exhibée par un étudiant, on pouvait lire un message destiné également au moudjahid Bouregâa : "Commandant Bouregâa, votre génération a accompli vaillamment sa mission. La nôtre, nous vous assurons qu'elle viendra à bout de sa mission : chasser ce système." Devant la cour de justice, les manifestants ont dénoncé avec véhémence le verdict de la justice contre les détenus d'opinion en scandant notamment "Ya el qadhi, ya el haggar", tout en brandissant des billets de banque, "en signe de dénonciation des juges qui ont préféré appuyer un système pétrifié et finissant que l'écrasante majorité du peuple en révolution rejette", a déclaré un manifestant. Rencontré durant le rassemblement, Samy Hassani Ould Ouali, parent d'un détenu et enseignant à l'université de Tizi Ouzou, a estimé : "Sur le plan juridique, il n'y a rien contre les détenus d'opinion et il n'y a aucune raison pour qu'ils se retrouvent en prison. C'est une question purement politique qui n'a pas à être traitée au niveau d'un palais de justice." "Nous nous demandons d'ailleurs si les affaires liées au fait de brandir l'emblème amazigh sont plus complexes que cette affaire d'Etat, jugée en 24 heures au tribunal militaire de Blida ?" s'est demandé notre interlocuteur, tout en affirmant, en dernier, que "la réponse de la rue aux juges est permanente et que le peuple est déterminé à reconquérir sa souveraineté". K. Tighilt