Des milliers d'étudiants ont marché, hier, dans la capitale. Pour ce 19e acte de la révolution populaire, les étudiants ont tenu à rappeler au système que leur détermination à le faire partir est loin d'être entamée. L'approche du vendredi 5 Juillet, date de l'indépendance du pays, semble les galvaniser davantage. "Ya hna ya ntouma" (Ou c'est nous ou c'est vous !), n'ont cessé de répéter les étudiants, qui promettent un "tsunami" populaire pour vendredi prochain. "Le 5 juillet, ce sera le tsunami", ont-ils averti, tout en appelant le peuple à rester uni et à ne pas tomber dans le piège du pouvoir qui tente de provoquer la division. Une "leçon" que les étudiants semblent avoir bien apprise, en ce sens qu'ils ont, habilement, évité de sortir, hier, mardi, l'emblème amazigh pour ne pas s'attirer les foudres des policiers. Ces derniers étant instruits sur cette question depuis que le chef d'état-major de l'armée, Gaïd Salah, avait ordonné, il y a deux semaines, l'interdiction de l'emblème amazigh dans les manifestations populaires. Lesquelles manifestations le ciblent de plus en plus. Une interdiction que des manifestants ont, toutefois, subtilement contournée en optant, entre autres, pour le tatouage du sigle amazigh sur le visage, le port de tenues traditionnelles ou encore en brandissant des pancartes expressives. "Tous les citoyens conscients ont le devoir de s'opposer à ceux qui attisent les haines nationales et détournent l'attention du peuple", lit-on sur l'une des nombreuses pancartes. Néanmoins, même les pancartes n'ont pas échappé à la chasse des policiers, à l'affût de ce qui est hostile au pouvoir. Celles portant des slogans visant le chef d'état-major sont les plus ciblées par les policiers, en civil, chargés de cette tâche. L'acharnement visible des policiers, déployés en force, ne dissuade pas pour autant les étudiants à poursuivre leur manifestation, à laquelle se sont mêlés de nombreux citoyens et des militants. "Libérez les détenus d'opinion !" La libération des détenus d'opinion, dont les derniers manifestants jetés en prison pour avoir brandi l'emblème amazigh, et celle du moudjahid Lakhdar Bouregâa, arrêté de façon humiliante, est la revendication immédiate des manifestants. "Libérez les détenus", "Libérez Bouregâa", ou encore "Ya Amirouche, ya Si El Houès, el-moudjahidin rahoum fi lahbas" (Les moudjahidin sont jetés en prison) sont, en effet, autant de slogans improvisés, hier, pour réclamer la libération des détenus d'opinion. Les manifestants s'adressent nommément au chef d'état-major, Gaïd Salah, accusé ouvertement de travailler contre les intérêts du peuple et du pays. "El-djeïch dyalna, Gaïd mâa al-khawana" (L'armée est la nôtre, Gaïd se range du côté des traîtres), "Etat civil et non pas militaire"... et la liste des slogans ciblant le chef d'état-major est longue. C'est dire le degré de colère provoquée chez le peuple par ses "sorties" plutôt menaçantes depuis la déchéance du président Bouteflika. Comme le reste du peuple, les étudiants rejettent en bloc la feuille de route que les décideurs tentent d'imposer contre la volonté populaire. Hier encore, ils ont rappelé qu'ils n'accepteront ni une élection organisée par le même pouvoir ni une "transition" imposée. Pour eux, la solution passe par le départ de tous les représentants et autres relais du pouvoir. D'où le slogan-tube de la révolution, "Yetnahaw gâa" (Ils partent tous), qui reste encore et toujours de mise. L'itinéraire de la marche estudiantine, qui a duré toute la matinée d'hier, était de la place des Martyrs jusqu'à l'esplanade de la Grande-Poste, en passant par la rue Larbi-Ben M'hidi, le boulevard Amirouche et la rue Didouche-Mourad. La détermination affichée par les manifestants donne, pour le moins, un avant-goût sur la manifestation nationale, attendue pour le vendredi 5 juillet.