Il n'est pas vraiment possible de déterminer de manière très précise le niveau des demandes de financement que le Trésor aura à solliciter de la Banque centrale au cours des prochaines années. La planche à billets, c'est fini ! Avait annoncé, en septembre dernier, l'actuel Premier ministre. Dans une allocution, lue en son nom par le ministre de l'Intérieur, Salah Eddine Dahmoune, à l'ouverture de la Conférence nationale sur le renforcement de la prise en charge sanitaire dans les wilayas du Sud et des Hauts-Plateaux, Noureddine Bedoui avait fait état de "l'abandon définitif du financement non conventionnel". Quelques mois auparavant, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement affirmait que "l'ère du financement non conventionnel était révolue". Une option confirmée dans la loi de finances 2020, qui prévoit le financement du déficit du Trésor projeté par le recours aux ressources internes ordinaires. Mais pour plusieurs experts, le retour de la planche à billets sera inévitable. Le Trésor devra encore solliciter la Banque centrale, sachant que les déficits réels du Trésor public sont beaucoup plus importants que ceux inscrits dans l'actuelle loi de finances. Au déficit affiché, "il faut ajouter d'autres engagements de dépenses non budgétisées telles que l'énorme déficit de la Caisse nationale des retraites, la couverture des déficits des entreprises publiques, la compensation de Sonatrach et de Sonelgaz, qui préfinancent les subventions publiques aux prix de l'électricité, du gaz et des carburants", avait indiqué, l'économiste et expert des politiques commerciales, Mouloud Hedir. Dans une note, très documentée, Mouloud Hedir, s'appuyant sur une communication du gouverneur de la Banque d'Algérie, soutient que "les déficits hors budget sont, de loin, nettement plus élevés que celui qui s'affiche dans la loi des finances annuelle, lequel ne serait, en définitive, que la face émergée d'un véritable iceberg". Le Trésor a mobilisé auprès de la Banque d'Algérie, à fin janvier 2019, contre émission des titres d'Etat, à diverses échéances, un montant de 6556,2 milliards de dinars. De ce montant, 2470 milliards de dinars ont été consacrés à la couverture des besoins de financement du déficit du Trésor, 904 milliards de dinars pour le traitement des obligations financières de l'Etat vis-à-vis de Sonatrach, 545 milliards de dinars pour le traitement de la dette de Sonelgaz détenue par les banques publiques et 500 milliards de dinars consacrés au déficit de la Caisse nationale des retraites (CNR). Le montant total des deux premières tranches du remboursement de l'emprunt national pour la croissance est estimé à 264 milliards de dinars. Selon l'économiste Mouloud Hedir, "sur les trois années qui restent, les annuités à rembourser se monteraient à quelque 132 milliards de dinars par an, entre 2019 et 2021". Les ressources mobilisées pour le financement du Fonds national d'investissement (FNI) sont évaluées à 1773,2 milliards de dinars. L'Etat algérien va devoir faire face, d'ici à la fin 2022, à d'autres catégories de déficits qui illustrent avant tout l'incohérence de l'engagement de l'Etat dans la sphère des entreprises publiques. Il s'agit notamment des créances de Sonatrach liées à sa prise en charge du différentiel de prix des carburants. Le montant dégagé en 2018, dans le cadre de l'opération de financement non conventionnel ne couvrait que les créances des années antérieures à 2014. Le même type de créances non payées et portant sur un différentiel de prix, s'applique au cas de Sonelgaz. Il s'agit aussi de couvrir la prise en charge par l'Etat des dettes d'assainissement des entreprises publiques ainsi que des exonérations fiscales. Le FMI estimait à 1517 milliards de DA pour l'année 2016 l'impact financier lié à l'engagement de l'Etat consacré au soutien qu'il a apporté aux entreprises publiques. Par ailleurs, de l'avis même du ministre des Finances, le déficit de la CNR pourrait atteindre 800 milliards de dinars en 2021. Il n'est pas vraiment possible de déterminer de manière très précise le niveau des demandes de financement que le Trésor aura à solliciter de la Banque centrale au cours des prochaines années. Mais pour Mouloud Hedir, "celles-ci seront, en tout état de cause, plutôt très importantes compte tenu de la palette étendue des domaines dans lesquels intervient actuellement l'Etat algérien". Le ministre des Finances a, d'ailleurs, précisé que le financement non conventionnel gelé depuis mai dernier jusqu'à la fin de l'année 2020, demeure en vigueur, et il est possible d'y recourir le cas échéant.