Les manifestations sociales contre la hausse des prix de l'essence ont viré vers la dénonciation du régime religieux des ayatollahs, économiquement asphyxié par les sanctions américaines. Plusieurs manifestants ont péri dans les manifestations qui secouent l'Iran depuis vendredi soir, après la hausse de 50% des prix de l'essence, une décision soutenue hier par l'ayatollah Ali Khamenei, dont les portraits avaient été brûlés samedi soir dans la ville Islam-Chahr, dans l'ouest de la capitale Téhéran, selon les images relayées sur les réseaux sociaux. Si aucun bilan officiel n'est encore fourni, la presse iranienne évoque plusieurs morts dans des tirs à balles réelles à Téhéran et d'autres villes iraniennes. Hier, les manifestations se sont poursuivies dans la capitale et à travers plusieurs villes du pays, où la révolte sociale s'est transformée en une dénonciation du système politique, les manifestants réclamant désormais la chute du régime, selon plusieurs sources. Alors que les autorités ont coupé internet hier, les services de sécurité, menés par les Gardiens de la révolution, ont intensifié la campagne de répression et d'arrestations contre les manifestants. À Téhéran, la police a fait usage des gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants rassemblés à la place Khomeiny. Des dizaines de manifestants ont été en effet arrêtés dans la capitale et plusieurs autres villes iraniennes, où les étudiants des universités d'Asfahan et de Tabriz ont rejoint en fin de journée d'hier la contestation, selon des médias locaux. Les autorités ont fermé le métro de Téhéran et d'Isfahan, ajoutent les mêmes sources. Des manifestants ont par ailleurs fermé la route reliant la capitale à Qarchak, une ville située à une quarantaine de kilomètres au sud-est de Téhéran. Le régime iranien a accusé des "ennemis et la contre-révolution" islamique d'être derrière l'amplification des manifestations. Pourtant, ces manifestations étaient prévisibles en raison de la situation socioéconomique que vit l'Iran ces derniers mois et qui devenaient intenables pour une majorité du peuple iranien. Le renforcement des sanctions américaines, décidé par Donald Trump, avaient déjà commencé à se faire sentir depuis quelques mois, tandis que Téhéran continuait à tenir un discours rassurant pour éviter la colère populaire. Le rial a chuté, l'inflation a dépassé 40% et le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une baisse du PIB de 9,5% cette année avant une stagnation l'an prochain. Autrement dit, l'augmentation du prix de l'essence n'est que la goutte qui fait déborder le vase, dans un contexte régional marqué par une vague de contestations des régimes politiques en place, aussi bien en Irak qu'au Liban. Dans ces deux pays où l'Iran tente d'asseoir son influence, les manifestations ont commencé par la dénonciation de la situation sociale et économique, avant de se transformer en un mouvement de colère contre une classe politique accusée d'incompétence et de corruption. Les Iraniens qui suivaient avec intérêt ce qui se passait dans ces deux pays n'attendaient en effet qu'une occasion vienne pour briser le mur de la peur et cette chape de plomb installée par le régime des ayatollahs depuis des décennies.