Les fidèles du mouvement populaire du 22 février ont, encore une fois, battu le pavé hier, jour coïncidant avec l'acte de naissance du "hirak" qui a bouclé ses neuf mois. Les rues de Constantine ont été, hier, le théâtre d'une mobilisation citoyenne des grands jours. Inébranlables en terme de conviction, les Constantinois ont réaffirmé qu'ils ne sont pas près d'abdiquer. À 14h, même point de départ, les premiers noyaux de manifestants, brandissant affiches, pancartes et photos des détenus d'opinion, ont commencé à constituer des carrés au centre-ville de l'antique Cirta, pour ce nouvel acte. Les Cirtéens ont manifesté dans une ambiance festive, brandissant des drapeaux et des pancartes qui portent des messages pertinents et ironiques parfois, qui se résument en la dissolution de ce pouvoir politique et l'exigence de l'instauration d'un Etat de droit. Des chants et des slogans récusant la tenue de l'élection présidentielle prévue pour le 12 décembre prochain ont également résonné dans les rues de la ville, tels que "Makanch l'vote, wallah ma ndirou, Bedoui wa Bensalah lazem itirou. W'idha b'erressas hebbitou ettirou, wallah marana habssine" (Pas de vote, nous ne le ferons pas, Bedoui et Bensalah doivent partir. Même si vous nous tirez dessus, nous ne nous arrêterons pas), "Makanch l'vote ya s'hab l'kaskrot" (Adeptes du casse-croûte, il n'y aura pas de vote) ou encore "Pas d'élection avec les traîtres". Pour les manifestants, les cinq prétendants à la magistrature suprême ont choisi leur camp, celui du régime et de la perpétuation de ce dernier. "En neuf mois de résistance, nous avons clairement revendiqué le départ de ce régime. Maintenant, ils veulent, coûte que coûte, nous imposer cette élection, alors qu'il y a un rejet populaire massif de cette échéance", dira Youcef, un activiste du hirak. Leur marche se poursuivant, les manifestants ont dénoncé la répression, la vague d'arrestations et les condamnations dont ont été victimes des activistes du mouvement populaire dans plusieurs wilayas du pays, notamment depuis le début de la campagne électorale. Des banderoles appelant à libérer tous les détenus sans distinction aucune et à mettre fin à une justice aux ordres ont été également déployées par les manifestants. À l'unisson, ils ont répété : "Libérez khawetna" (Libérez nos frères), "Libérez Bouregâa" et "Sahafa horra, âdala moustakila" (Presse libre, justice indépendante). À l'avenue Belouizdad, les marcheurs ont scandé : "Dites aux juges et aux procureurs que nous les croyions libérés alors qu'ils subissent toujours l'esclavagisme. Dites-leur que la parole juste mène encore en prison et que ni Tebboune ni Benflis ne passeront." Certains étaient venus avec des banderoles du Club sportif constantinois (CSC), supporters de ce club phare de la ville des Ponts, qui ont tenu à manifester, de leur côté, leur colère vis-à-vis de personnes présentes la veille au meeting du candidat Abdelmadjid Tebboune, auquel ils ont offert un maillot du club. "Essmaâ ya Tebboune, CSC jamais tkhoun" (Ecoute Tebboune, le CSC ne trahit jamais), ont-ils fait savoir.