Un jour tu comprendras (éditions Casbah 2019) est l'histoire brodée par notre consœur Meriem Guemache qui a trempé sa plume le long de l'itinéraire caillouteux de Fadhma Aïth Mansour Amrouche. Âpre tâche qui l'a menée de Tizi Hibel vers Ighil Ali et jusqu'à Radès (Tunisie) où l'auteure de Lotfi au palais de Khedaoudj El-Âamia (2018) a repéré du bout de sa plume la trace de Fadhma qui est restreinte toutefois au leitmotiv "un jour tu comprendras", de Aïni sa mère. Tant ressassé que l'ouïe de Fadhma Aïth Mansour s'est familiarisée au "chut" qui met fin au dialogue mère-fille par la formule sentencieuse "un jour, tu comprendras" et qui scelle la bouche au signe de l'index posé sur les lèvres. Alors, pacte ou modus vivendi, le silence qui emboîte le pas à la règle, "Un jour, tu comprendras" a tout l'air d'une entente, voire un traité de paix tacite entre la mère Aïni et Fadhma qui ne vit que pour le jour où elle va tout savoir. Alors, pour apaiser le tic-tac de l'horloge du temps et meubler le silence qui alourdit ses questions, Fadhma s'adoucit à l'unique remède affectif que lui prodigue Aïni sa mère dont le poids de son secret la mutile en fait de l'intérieur. Et du haut de ses trois pommes, Fadhma n'a que le soleil qui égaie ses journées monotones et sans ses jeux d'enfant à Tizi Hibel, car elle est "la bâtarde" ou l'égale du Vilain petit canard (1842) du conteur de fées Hans Christian Andersen (1805-1875). Pis encore, Fadhma porte en elle les stigmates de son rejet par la "hogra" de l'espiègle Idir qui lui a fait "didi" (mal) en la basculant dans les aiguillons de la haie épineuse de "tahendit" et "takermust" (figues de Barbarie). N'est-elle pas la tare d'un moment d'égarement et de faiblesse que Aïni sa mère a eu pour Kaci, ce bourreau de cœurs ? Alors, séduite et abandonnée, Aïni sa mère réfute l'offre d'adoption de la dame Raymonde et décide d'ajouter Fadhma à ses frères Lamara et Mohand. En ce sens, l'affront de ce fripon d'Idir a été l'ignominie de trop contre celle que la société qualifie à tort de "yellis lahram" (la fille du péché) dont le seul grief est d'être ce fruit de l'acte gourmand d'une veuve et du coq de "taddart" (village). D'où la décision de Aïni sa mère qu'elle (Fadhma) soit placée en pension chez les sœurs-blanches des Ouadhias, où l'innocence de Fadhma pâtit du fouet fielleux de sœur Susanne. Au demeurant, la noirceur de l'existence de Fadhma s'est faite coquette au prénom de Marguerite durant l'épisode de l'école de Taddart Oufella et l'excursion scolaire à Alger. À la fois roman biographique et historique, l'auteure de Lotfi à la Casbah d'Alger (2017) a fait florès dans l'exploit d'extraire ce qu'il y a de chic dans l'enfance de Fadhma que Belkacem a fleuri d'amour. Donc, autant élire l'œuvre de Meriem Guemache au rang d'une encyclopédie où s'insèrent un recueil de proverbes, de chants de chez nous et un glossaire en derdja et en tamazight. N'est-ce pas là l'argument idéal qui octroie d'emblée au livre ce sceau didactique à lire et à faire lire. Rédigé d'un style attrayant, voire captivant, l'œuvre de Meriem Guemache doit intégrer l'école, eu égard à la stature de Fadhma Aïth Mansour Amrouche qui a légué à l'Algérie Taos Amrouche, dite Marguerite Taos Amrouche (1913-1976) et son frère Jean Amrouche, alias Jean El-Mouhoub (1906-1962).
Louhal Nourreddine Un jour tu comprendras, de Meriem Guemache (éd, Casbah 2019), 222 pages – 700DA.