Pour répondre au projet de résolution du Parlement européen quant à la situation en Algérie, le pouvoir emploie les mêmes méthodes. Il recourt à ses satellites habituels, à commencer par le FLN et les organisations satellitaires auxquelles s'ajoute désormais le Centre national des droits de l'Homme. C'est dans ce cadre que ce dernier, censé défendre les droits humains, est sorti d'un long silence pour dénoncer un projet qui n'a même pas encore vu le jour. Habitué à défendre le système, y compris sous Bouteflika, son président, Bouzid Lazhari, a fait étalage d'un zèle extraordinaire pour s'en prendre au Parlement européen qui serait, selon lui, "aveugle" de ne pas avoir vu "la liberté" dont jouit le peuple algérien qui manifeste depuis le 22 février pour faire partir le système. Pis encore, le juriste, qui a participé à la réalisation de toutes les turpitudes du système depuis de longues années, dénie même le droit aux Algériens de porter des slogans anti-pouvoir. Il s'est dit "étonné que le Parlement européen s'intéresse à l'Algérie alors que le monde entier est, depuis 10 mois, témoin que le peuple algérien exerce librement son droit à manifester pacifiquement et déploie même des banderoles qui vont parfois au-delà des limites habituelles dans la liberté d'expression". Bouzid Lazhari, qui a été récompensé pour services rendus par une nomination au poste de président du CNDH, censé être le gendarme qui veille au respect des droits de l'Homme en Algérie, s'étonne donc même du fait que des Algériens aspirent à la liberté. Pis encore, il estime que des manifestants prennent "trop de liberté". Quid des personnes arrêtées en dehors de tout cadre légal ? Que pense-t-il des détenus politiques et d'opinion, à l'image de Karim Tabbou, Fodil Boumala, Samir Belarbi ou Lakhdar Bouregâa arrêtés sans mandat du procureur et surtout sans appui légal ? Comment juge-t-il les dizaines de manifestants arrêtés et systématiquement mis sous mandat de dépôt alors que des juges prouvent, par ailleurs, qu'ils n'ont enfreint aucune loi ? Défendre ces détenus signifie défendre la liberté, les droits humains. Mais défendre ces principes, c'est se mettre à dos les puissants gouvernants du moment, ceux qui l'ont nommé à ce poste en récompense du rôle joué dans la commission de dialogue présidée par Karim Younès. Bouzid Lazhari, juriste de formation, a participé à la rédaction de la révision constitutionnelle de 2016. Auparavant, il avait fait partie de la fameuse commission de "la révision de la Constitution", lancée en 2012 par Abdelaziz Bouteflika en réponse aux mouvements de contestation entrant dans le cadre des "révolutions arabes" qui ont touché des pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. L'homme a été également, durant de longues années, sénateur du Tiers présidentiel. Plus récemment, l'ancien professeur de droit constitutionnel à l'Université de Constantine a été rappelé par l'actuel pouvoir pour être la pièce-maîtresse du panel de dialogue que présidait Karim Younès d'août à septembre dernier. Bouzid Lazhari a été l'homme qui a préparé les textes de loi qui ont permis la création de l'Autorité nationale indépendante des élections (Anie) et la révision partielle du code électoral. Un rôle qui l'a conduit à occuper depuis le début du mois le poste de président du Centre national des droits de l'Homme en remplacement de Faffa Benzerrouki, qui s'est montrée totalement absente depuis le début de la révolution populaire le 22 février dernier. Ali Boukhlef