Cet ouvrage collectif, paru aux éditions Tafat et réalisé sous la direction du poète et écrivain Youcef Merahi, se veut un témoignage qui réunit une vingtaine de contributeurs. L'itinéraire du "chercheur d'étoiles" est à la fois éloquent et tragique. Et pour ce qu'est de l'élocution, celle-ci s'était burinée dès 1972 à la une du Journal des poètes de Bruxelles, lorsque Tahar Djaout (1954-1993) a "osé" son premier poème. S'agissant du tragique qui guettait l'enfant de l'antique Rusazus au bout de son itinéraire, le fiel de l'immonde bête a desséché son fruit à dire à l'instant où elle a mordu dans la succulence des dires de "L'anza des écrivains". Ne dit-on pas que "c'est au fruit que l'on reconnaît l'arbre" ? Et pour chaque vers qu'il écrivait, le burin se frayait son chemin d'une taille douce qu'il creusait dans le sillon de l'histoire pour y sculpter le nom du "fou" au fronton du Cercle des poètes… disparus. Innocent dans l'écriture, l'enfant d'Azeffoun puis de la Casbah d'Alger avait-il le pressentiment qu'il y laissait un peu du sien à chaque fois qu'il versifiait ses mots pour dire ses "maux" ? Innocent qu'il était, la cruauté de l'infâme secte fielleuse cotait ses vers à la bourse du mal. Mais c'était compter sans l'innocence du poète ou l'Insoumis (1970) qui troquait ses dires contre une poignée de poussière qui s'ensemençait au firmament et à mesure que l'onglette du burin se frayait son chemin dans son nom. Qu'importe qu'il soit blacklisté par la secte des assassins, Tahar Djaout se savait déjà à l'entête du tohu-bohu d'enflammés prêches à l'instant même où il avait fait son entrée au concours littéraire de la zone des tempêtes. Prudent, "l'amsargu" (le rêveur) volait donc au-dessus "d'un système oiseleur" et dont "l'exproprié" défiait les rets et repoussait les chants des sirènes. À ce propos, l'Insulaire (1980) a légué l'épitaphe : "Si tu parles, tu meurs. Si tu tais, tu meurs. Alors, dis et meurs." D'où l'éveil d'aveux sur "Djaout en quelques souvenirs" qui a dicté l'écriture du livre ou plutôt ce cahier de souvenirs intitulé Tahar Djaout ou la fable du tôlier et du poète (éd. Tafat/Tira) qui a été écrit sous la direction du poète écrivain Youcef Merahi. "Ceux qui se hasardent dans l'aléa de la rime n'ont que la foi de leurs vers. Autrement, le rimeur est au fait de la lueur de l'espoir qui est entourée de l'anxiété de l'opacité du brouillard. Et pour cause, au bout de la rime, il y a l'inquisition puis le bûcher", a souligné l'auteur de Moi, Oran (éd. L de Minuit 2013). "Et quand surgit la bête, le sang coule dans l'impuissance du geste, pourtant le poète n'a pas encore dit le dernier mot", a écrit le poète chroniqueur en quatrième de couverture. Livre témoignage pour "Une amitié à hauteur d'homme", l'œuvre Tahar Djaout ou la fable du tôlier et du poète est une veillée qu'a organisée Youcef Merahi tel ce tour de table où chacun des 24 convives a évoqué à l'aide d'"Une lettre à Tahar Djaout". Poète, romancier mais aussi cinéphile, "cet être de lumière" était aussi l'invité de l'émission Télé-ciné club qu'animait Ahmed Bedjaoui autour du film Les rameaux de feux (1983) de Mohamed Ifticène, eu égard aux scènes tournée aux environs d'Oulkhou, sa matrice où ses "origines qui font le message de l'espoir". Et à lire Tahar Djaout ou la fable du tôlier et du poète, on se surprend à en savoir un peu plus autour du poète qui a réussi "la traversée glorieuse du miroir" aux alouettes.
Louhal Nourreddine Ouvrage collectif "Tahar Djaout ou la fable du tôlier et du poète", sous la direction de Youcef Merahi Ed. Tafat/Tira, 198 pages, 600 DA