Le conférencier a poussé son analyse contre l'équipe actuelle au pouvoir jusqu'à qualifier “la situationéconomique et sociale des plus catastrophiques”. L'ex-Chef du gouvernement Mouloud Hamrouche s'est exprimé, hier, sur la situation actuelle du pays lors d'une conférence- débat animée au Centre international de presse (CIP) par le FFS dans le cadre de la célébration du double anniversaire du 20 Août. Le conférencier a longuement parlé de Abane Ramdane, de ses qualités d'organisation et de la philosophie des textes issus du Congrès de la Soummam, venu matérialiser dans les faits la double rupture prônée par l'appel du 1er Novembre 1954. Débordant du thème prévu pour cette conférence, qui est “le Congrès de la Soummam et la problématique de la représentation politique et sociale”, Hamrouche a laissé libre cours a ses pensées, notamment après l'ouverture du débat en se prêtant au jeu des questions-réponses avec les journalistes d'abord et avec les invités, essentiellement les cadres du parti du Front des forces socialistes et quelques- uns de ses fidèles dans le courant réformateur qu'il “dirige”. Après avoir passé en revue le contexte, la signification et la philosophie du Congrès de la Soummam et celle de son concepteur Abane Ramdane, pour ne pas le nommer, le conférencier a abouti à analyser comment s'est opérée la déviation de l'esprit de l'un des actes fondateurs de la révolution que constitue la plate-forme de la Soummam. Depuis l'Indépendance, notamment après le Congrès de Tripoli qui constitue le deuxième dérapage, selon le cadet de la révolution comme l'a présenté le no3 du FFS, Karim Tabbou, le pays a fonctionné sur la base d'une représentation imposée d'en haut et ne reflétant pas la réalité sociale et sociologique de l'Algérie. “Aujourd'hui, notre système ne fonctionne pas sur la base de représentation des partis politiques, mais il fonctionne sur la base d'un réseau d'allégeance et d'obédience”, a déclaré celui qu'on surnomme l'homme des réformes. Ne s'arrêtant pas à ce stade de critique, l'ancien secrétaire général de la Présidence en 1988 est revenu sur les évènements qu'a connus le pays durant le 5 octobre 1988 en réfutant la thèse qui les assimilait à des faits entrant dans le cadre de la guerre entre les différents clans du régime. “Les évènements d'Octobre 1988 constituent une rupture” avec le mode de représentation imposé au pays des années durant. S'attardant sur cette étape récente de l'histoire de l'Algérie, Hamrouche a fait quelques révélations, notamment sur le processus d'ouverture démocratique qui a suivi les évènements d'Octobre 1988 : “Après le discours du président Chadli le 10 octobre, il n'était pas question d'aller au multipartisme. Ce qui était prévu, c'était l'organisation des courants et sensibilités à l'intérieur du FLN. C'est en quelque sorte la reprise a contrario de ce qu'avait fait Abane lors du Congrès de la Soummam.” Cependant, cette démarche a été contrecarrée, et le pouvoir avait opté pour le multipartisme : “Des partis ont même été créés avant l'adoption de la Constitution du 23 février 1989.” Plus loin, l'ancien homme fort du FLN a lâché le morceau en déclarant : “J'ai été contre le multipartisme tel qu'il a été décidé parce que j'ai considéré qu'il fallait éviter d'avoir un multipartisme imposé et coopté d'en haut. Tout a été expliqué dans le document publié le 24 octobre1988 sur le ressourcement du FLN.” Un texte qui n'a pas été pris en considération dans les futures décisions prises par les plus hautes autorités de l'Etat. Le conférencier a pourtant été le Chef du gouvernement qui a appliqué la nouvelle démarche du système dont il est l'un des enfants, selon son propre aveu, il y a quelques années. Hamrouche se justifiera par cet argument vague et “simpliste” : “Quand on est arrivé au gouvernement, c'était déjà trop tard.” Sans pour autant livrer plus de détails sur cet épisode post-5 Octobre 1988, ni d'ailleurs situer les responsabilités. Analysant la situation des libertés et l'exercice politique, l'ancien candidat à la présidentielle d'avril 1999 reproduit l'argumentaire de son ami Hocine Aït Ahmed en déclarant : “C'est un environnement fermé qui interdit la politique.” Et d'ajouter sous un tonnerre d'applaudissements que “ce n'est pas Hamrouche et Aït Ahmed qui n'ont pas d'alternative, mais le pays. Une alternative ne peut pas se construire dans l'enfermement actuel”. Sur sa lancée, le conférencier a poussé son analyse, pour ne pas dire réquisitoire contre l'équipe actuelle au pouvoir jusqu'à qualifier “la situation économique et sociale des plus catastrophiques”. L'Algérie n'a pas de projets de développement, ni économique, ni culturel, ni autre. Cette situation a fait dire à l'ancien Premier ministre de Chadli que “le pays est revenu dans les archaïsmes des 16 et 17 siècles”. Au passage, il a “égratigné” le chef de l'Etat sans le nommer. Charte pour la paix et la réconciliation nationale Hamrouche contre le projet présidentiel L'ancien Chef du gouvernement a donné son avis sur le projet de charte pour la paix et la réconciliation. À l'image de la position adoptée par le FFS, la réaction de Mouloud Hamrouche est venue confirmer qu'il reste en phase avec les convictions de son ami Hocine Aït Ahmed sur cette question. En réponse à des questions de journalistes sur le projet présidentiel, l'ancien membre du groupe pour la paix a déclaré que “le temps est venu pour faire la différence entre ceux qui veulent faire sortir le pays de l'impasse et ceux qui discutent et se disputent dans l'impasse”. M. A. O.