Washington, grand producteur de gaz, veut notamment accroître ses exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) vers l'Europe. Le projet russe risque ainsi de compromettre cette stratégie américaine. La Russie a réaffirmé hier sa détermination à achever le projet du gazoduc Nord-Stream 2 vers l'Europe, en réponse aux sanctions américaines adoptées par le Congrès mardi, estimant que "ces démarches sont une violation directe du droit international et un exemple flagrant de concurrence déloyale", a indiqué le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, cité par les médias locaux. "Nous partons du principe que le projet sera achevé", a-t-il assuré, ajoutant que l'attitude américaine ne plaît "ni à Moscou, ni à Berlin ou à Paris". En effet, les sanctions américaines visant des entreprises européennes impliquées dans ce projet ont été déjà dénoncées par des pays membres de l'Union européenne, notamment par l'Allemagne, un des grands bénéficaires de ce projet devant assurer au vieux continent une alimentation régulière en gaz naturel, alors que les Américains font miroiter le danger de la dépendance européenne au gaz russe, comme enjeu géopolitique. Construit à plus de 80%, le gazoduc sous-marin qui relie la Russie à l'Allemagne est censé entrer en service fin 2019 ou début 2020 et doit permettre de doubler les livraisons directes de gaz naturel russe vers l'Europe occidentale via l'Allemagne. Il est d'une capacité de 55 milliards de m3 par an, autant que son frère aîné, Nord-Stream 1. Pour les Européens, les sanctions américaines sont une "ingérence" dans la politique énergétique européenne, alors que Moscou qualifie les sanctions américaines d"un exemple idéal de concurrence déloyale". L'une des principales cibles des sanctions est Allseas, une entreprise suisse propriétaire du plus grand navire de pose de pipelines du monde, le Pioneering Spirit, engagé par le russe Gazprom pour construire la section offshore. Le gazoduc représente un investissement d'une dizaine de milliards d'euros, financé pour moitié par Gazprom et pour l'autre moitié par cinq sociétés européennes, l'autrichien OMV, les allemands Wintershall et Uniper, le français Engie et l'anglo-néerlandais Shell. Depuis ses débuts, de nombreux obstacles se sont dressés sur le chemin de ce projet. Nord-Stream 2 n'a ainsi obtenu que fin octobre le feu vert du Danemark pour traverser ses eaux, ce qui risque fort de retarder sa mise en service, initialement prévue fin 2019. Les nouvelles règles de l'UE sur le transport du gaz, qui demandent notamment le "découplage" des activités de production et de distribution, sont également une épine dans le pied du projet. Selon l'agence de presse américaine Bloomberg, citant des sources haut placées à Washington, les Etats-Unis ne peuvent pas bloquer ce projet, c'est pourquoi ils ont pris ces mesures de rétorsion qui viseraient plutôt à bloquer d'autres projets énergétiques russes à l'avenir.