Plus d'une semaine après avoir "tendu la main" au mouvement populaire, le chef de l'Etat reste au stade des intentions. Il n'a pas encore précisé les contours du dialogue dont il a voulu vendre l'idée ces derniers jours. Alors qu'il effectuait hier sa première sortie sur le terrain en tant que chef de l'Etat, Abdelmadjid Tebboune est resté muet sur son appel au dialogue. Ni dans son discours d'investiture, prononcé jeudi ni lors de l'inauguration de la foire hier, l'homme n'a soufflé mot sur des consultations pourtant annoncées comme imminentes. Il est vrai que l'homme n'a pas encore installé de gouvernement et seuls deux de ses collaborateurs ont été désignés. Ce qui ne peut suffire pour conduire un chantier aussi sensible qu'un dialogue avec la classe politique et le mouvement populaire. Si les proches d'Abdelmadjid Tebboune ont entamé des contacts, avant même son investiture comme chef de l'Etat, rien n'est encore clair. Contacté par nos soins, Soufiane Djilali, un des rares hommes politiques de l'opposition à avoir affiché publiquement sa disponibilité à admettre "le principe d'un dialogue" "avec des conditions", affirme qu'il n'a rien reçu. S'il reconnaît que le discours du chef de l'Etat ne s'est pas encore concrétisé sur le terrain, le président de Jil Jadid estime qu'il est encore "tôt" d'évoquer le sujet face aux "décisions" qui attendent le nouveau locataire d'El-Mouradia. Zoubida Assoul, présidente de l'UCP, a également confirmé qu'aucun contact n'a été établi avec le chef de l'Etat. "Il n'y a rien de concret", a-t-elle indiqué. Des acteurs du mouvement populaire ont affirmé, la semaine dernière, que des proches du chef de l'Etat les avaient contactés pour des rencontres informelles. Mourad Amiri, un activiste, avait même affirmé sur sa page Facebook qu'il avait reçu une invitation qu'il avait rejetée. Une autre figure du mouvement populaire, Islam Benattia, avait suggéré l'élaboration d'une plateforme du hirak pour faire face au "représentant du pouvoir". L'appel a, d'ailleurs, été mal perçu par de nombreux activistes qui ont vite accusé le militant de trahison. Si les contours du dialogue ne sont pas encore précis, la classe politique est unanime sur la nécessité de prendre des mesures d'apaisement avant d'aller vers des discussions. "On ne peut pas évoquer un dialogue sans prendre des mesures d'apaisement telles que la libération des détenus, la cessation du harcèlement contre les militants, la libération des médias et autres. Or, pour l'instant, c'est le contraire qui est donné", a indiqué Zoubida Assoul. Jusqu'à hier, les autorités n'avaient montré aucune prédisposition à apaiser la situation avant d'entamer un quelconque dialogue. Si le dramaturge Abdelkader Djeriou a été libéré après un week-end de garde à vue, le militant Karim Tabbou, dont les avocats ont introduit une demande de mise en liberté, a été maintenu en détention. Ses camardes le sont aussi et aucune date n'a été fixée pour les procès. Les médias proches du pouvoir continuent leur propagande et les grandes villes sont toujours interdites d'accès aux manifestants. Rien n'a donc changé, en attendant, peut-être, de nouvelles orientations au sein du pouvoir.