Le projet de ce mouvement est que "la parole revienne au citoyen" qui devra être "actif" et au cœur du "projet de refondation nationale". "Mouwatana n'est pas un parti politique. Ce n'est pas non plus un projet de société. Mouwatana est un projet de gouvernance." C'est ainsi que Zoubida Assoul, porte-parole du mouvement Mouwatana et présidente de l'UCP, l'Union pour la citoyenneté et le progrès, a défini le mouvement qu'elle représente depuis juillet 2018. Invitée hier du Forum de Liberté, Zoubida Assoul a expliqué les raisons qui ont poussé des chefs de partis politiques, des personnalités et des citoyens ordinaires à fonder ce mouvement "Mouwatana", qui signifie "citoyenneté". "Notre volonté de fonder le mouvement Mouwatana est venue de l'opposition à un cinquième mandat présidentiel pour Abdelaziz Bouteflika", a souligné Zoubida Assoul, qui a rappelé que les conditions d'une compétition saine entre les partis politiques ne sont pas réunies pour pouvoir agir en tant que formations politiques. Pour l'ancienne magistrate, Mouwatana n'a pas pour vocation de se transformer en parti politique. "Si nous voulions nous limiter aux partis politiques, nous serions restés, chacun, dans nos partis", a-t-elle indiqué, tout en rappelant que le souhait de Mouwatana était de "s'entendre sur un minimum". Le projet de ce mouvement est que "la parole revienne au citoyen" qui devra être "actif" et au cœur du "projet de refondation nationale". "Après, le jour où nous allons construire les institutions, l'Etat et les libertés, que chacun expose son programme devant le peuple souverain", a-t-elle expliqué. "Que chacun explique son projet de société. Qu'il soit progressiste, moderniste, rétrograde… ce sera son problème", a-t-elle ajouté. Souvent interpellée sur l'absence de mobilisation populaire derrière les démarches de Mouwatana, Zoubida Assoul rappelle les innombrables entraves qu'elle et ses camarades ont rencontrées sur le terrain. À Constantine, les autorités "nous ont interdit" d'effectuer une campagne de proximité avec les citoyens. "Les autorités n'ont pas trouvé mieux que de mettre des poubelles sur notre parcours", a-t-elle rappelé, tout en relatant, dans le détail, comment des policiers "étaient venus l'accueillir" devant le domicile d'un proche où elle avait passé la nuit. "Les policiers m'avaient dit qu'ils devaient m'accompagner jusqu'aux frontières de Constantine", s'offusque-t-elle. Elle dénonce d'ailleurs la violation d'un des droits fondamentaux qui est celui de circuler partout sur le territoire national. Ce droit a été violé également lorsque d'anciens militaires à la retraite ont été empêchés de manifester ou d'accéder à la capitale. "C'est une mesure colonialiste", a-t-elle indiqué. Des consultations avec l'opposition Après la Place des Martyrs à Alger, puis à Constantine, les militants de Mouwatana ont été également interdits de tenir une manifestation à Béjaïa. "À Béjaïa, ils nous ont accueillis avec des BRI (Brigades de recherche et d'investigation, chargées de lutter contre la grande délinquance, ndlr)", a rappelé Zoubida Assoul comme pour expliquer que dans ces conditions, il est difficile de convaincre un citoyen lambda de se mobiliser. Avant cela, la militante politique rappelle que sa maison avait déjà subi un vol et a été incendiée en 2015. "Mais cela ne me fait pas peur", a-t-elle ajouté. "Je suis déterminée, mobilisée", a-t-elle encore précisé. L'opposition de Mouwatana à un cinquième mandat est l'élément déclencheur de sa création. Cette éventualité est "une catastrophe pour le pays", a rappelé Zoubida Assoul. Mais elle estime que le projet de ce mouvement doit aller au-delà l'échéance présidentielle. "Nous ne devons pas nous laisser entraîner par leurs lubies", a-t-elle indiqué. Cela ne signifie pas que Mouwatana ne pourrait pas soutenir un candidat de consensus de l'opposition. "S'il y a une personne qui fait consensus, pourquoi pas ? Mais il faut d'ores et déjà arrêter des critères. Il ne faut pas soutenir un homme ou une femme qui a participé à la gestion durant des décennies. On ne peut pas gérer le pays avec ceux qui ont produit l'échec. Cela va de soi", a-t-elle indiqué, tout en excluant de soutenir quelqu'un qui est "impliqué dans les affaires de corruption". À défaut de présenter un candidat à la présidentielle prochaine, Mouwatana essaie d'élargir son champ d'action. Les principaux animateurs du mouvement ont rencontré, ces derniers jours, des personnalités de différents horizons. "Nous avons entamé des consultations pour tenter de créer un rapport de force favorable au changement", a-t-elle indiqué. Mais elle refuse de verser dans la violence même si elle rappelle qu'"Abdelaziz Bouteflika a violé la Constitution en 2008". "Les consultations vont se poursuivre dans les prochains jours avec tous les acteurs de l'opposition", a-t-elle précisé, sans donner le nom des personnes à rencontrer. À ceux qui soupçonnent le mouvement Mouwatana d'être soutenu par des parties de l'armée, Zoubida Assoul a démenti tout appui en dehors du "peuple". "Nous n'avons le soutien ni de l'armée ni des hommes d'affaires", a-t-elle appuyé. Ali Boukhlef