Le message soummamien que seule une minorité parmi l'élite nationale a revendiqué depuis longtemps, la rue a pu se le réapproprier à travers de nombreux slogans dont "Dawla madania, machi âaskaria" et "Algérie libre et démocratique". Curieuse coïncidence du calendrier : la marche du mouvement populaire attendue pour demain intervient un 27 décembre, jour anniversaire de l'assassinat de l'architecte de la Révolution, Abane Ramdane. L'homme, banni des manuels scolaires et de l'Histoire officielle, ne dit peut-être pas grand-chose pour une certaine génération. Pourtant, l'œuvre titanesque dont il a été le principal artisan en compagnie de Larbi Ben M'hidi, notamment l'organisation du Congrès de la Soummam et la principale résolution y afférente, la primauté du politique sur le militaire, combattue et évacuée du débat national, s'est invitée dans le mouvement populaire qui s'exprime depuis février dernier, devenant un des slogans phare des marches. Ce message soummamien que seule une minorité parmi l'élite nationale a revendiqué depuis longtemps, la rue a pu se le réapproprier à travers de nombreux slogans dont "Dawla madania, machi âaskaria" (Etat civil et non militaire), "Algérie, libre et démocratique" ou encore "C'est une république, pas une caserne". Pour avoir remis au goût du jour ce message qui résume par certains égards l'essence de la crise sous laquelle ploie le pays depuis l'indépendance, le mouvement populaire inscrit de fait le pays dans la perspective démocratique et rend hommage à ceux qui ont esquissé les contours de ce que devait être l'Algérie indépendante. Autre coïncidence : la marche va intervenir au lendemain de la disparition du chef d'état-major de l'armée Ahmed Gaïd Salah qui s'est imposé comme l'homme fort du pays depuis la mise à l'écart d'Abdelaziz Bouteflika. Parce qu'il a entrepris des actions qui n'étaient pas du goût du hirak, particulièrement les arrestations qui ont ciblé les détenus d'opinion, il a fini par focaliser les critiques des manifestants, non seulement sur sa personne, mais également sur le rôle de l'institution militaire dans le champ politique. En dépit du grand tapage médiatique autour de sa disparition et de ses obsèques dans une entreprise, selon certains observateurs, visant à renforcer l'image de la militarisation, mais aussi à provoquer une espèce de communion autour du nouveau président handicapé par un déficit de légitimité, les étudiants, sortis mardi, ont réitéré leur détermination à aller jusqu'au bout. Outre l'exigence de la libération des détenus, les étudiants ont exprimé de nouveau leur rejet des résultats de la dernière élection présidentielle et de l'appel au dialogue lancé par le nouveau président de la République Abdelmadjid Tebboune. Autre exigence : "Un Etat civil et non militaire." Histoire de rappeler qu'ils s'identifient à ceux qui ont longtemps porté ce projet d'émancipation démocratique, les étudiants ont tenu à rendre un hommage appuyé à Hocine Aït Ahmed dont nous avons célébré, il y a trois jours, le quatrième anniversaire de la disparition. Après la démonstration de force de vendredi dernier, la marche de demain peut se révéler comme un nouveau baromètre de détermination face à la nouvelle donne politique née de la disparition brutale d'Ahmed Gaïd Salah et de la nouvelle reconfiguration politique au sommet.