Cette désignation d'un homme, qui a fait ses classes dans le sérail, est pour le moins surprenante au moment où Abdelmadjid Tebboune promettait le rajeunissement du personnel politique et la promotion de jeunes cadres. Le geste n'avait finalement rien de fortuit : au lendemain de sa démission de la tête de son parti, le PLJ (Parti pour la liberté et la justice), agréé en 2012, Belaïd Mohand-Oussaïd a été désigné ministre conseiller à la communication, porte-parole officiel de la présidence de la République, a indiqué hier un communiqué laconique de la présidence de la République. Cette désignation pour le moins surprenante d'un homme qui a fait ses classes dans le sérail, au moment où Abdelmadjid Tebboune promettait le rajeunissement du personnel politique au pouvoir et la promotion de jeunes cadres, intervient au lendemain de la publication d'un communiqué de la Direction de la presse et de la communication de la présidence de la République, effacée jusque-là, rappelant que "l'information officielle est rendue publique à travers des communiqués de la présidence de la République publiés par l'agence Algérie presse service (APS) et que toute information rapportée en dehors de ce canal est à classer dans la case de la propagande et de la désinformation". On l'aura compris : le message semble destiné essentiellement à certaines chaînes de télévision privées dont l'une principalement s'est érigée ces dernières années comme le relais officieux, notamment des forces extraconstitutionnelles qui ont accaparé des leviers du pouvoir à la présidence de la République. Depuis quelques années, cette chaîne s'est distinguée par la primeur des informations concernant les centres névralgiques du pouvoir. On se rappelle son traitement de la nomination puis du limogeage du ministre éphémère, Messaoud Benagoun, en mai 2017. Elle s'est aussi singularisée à l'été 2017 avec la "cabale" autour du voyage d'Abdelmadjid Tebboune à Paris. Une préoccupation cependant : le rappel est assorti de menaces à peine voilées à l'encontre de tout support qui divulguerait des informations émanant de la présidence de la République. La direction "affirme que les informations diffusées à travers tout média ou plateforme de communication au titre de scoop ou dans le but de faire accroire à l'opinion publique à une proximité de la source d'information sans respect des lois de la République et des règles de la déontologie exposeront leurs auteurs aux peines prévues par les lois de la République", souligne le communiqué. Une précision dont il faut bien convenir qu'elle s'inscrit en porte-à-faux avec les principes de la liberté d'expression et de la presse prétendument consacrés par la loi fondamentale. En désignant Belaïd Mohand-Oussaïd, un homme qui a exercé dans les médias durant sa longue carrière — correspondant régional du quotidien An-Nasr (1965-1967), journaliste à la télévision nationale et rédacteur en chef de l'édition en arabe de la revue Echabab (1968- 1974), organe central de la Jeunesse du Front de libération nationale (JFLN), directeur du Centre algérien d'information et de culture à Beyrouth (1974-1976), directeur du quotidien national public Echaâb (1976-1980), directeur général de l'APS (1981-1982) et directeur presse et information et porte-parole du ministère des Affaires étrangères (1982-1983) —, la Présidence entend visiblement à mieux maîtriser sa communication. Reste que le profil de l'homme, tantôt présenté comme "crypto-islamiste", pour avoir été lieutenant d'Ahmed Taleb Ibrahimi dans le parti Wafa, non agréé, tantôt comme "conservateur" ou encore "opposant", ne permet pas pour l'heure d'anticiper sur l'empreinte qu'il entend imprimer à la communication officielle. Ministre de la Communication dans le gouvernement de Sellal de 2012 à 2013, Belaïd Mohand-Oussaïd a eu la délicate mission de gérer la communication, pour le moins chaotique, durant l'offensive terroriste contre le site de Tiguentourine. Il avoue quelques mois plus tard, le déficit en communication dont souffrait le gouvernement de l'époque. Pour le pallier, il organise même un séminaire mais dont les recommandations sont restées depuis dans les tiroirs. Politiquement, après l'échec de son parti aux législatives de 2012, il se demandait si les élections et les réformes annoncées n'exprimaient pas "une simple manœuvre destinée à absorber le mécontentement populaire face au laisser-aller, la corruption, l'impunité et la bureaucratie étouffante". A-t-il changé aujourd'hui ? En appelant récemment au soutien de Tebboune, il dévoile sans doute son intégration à la "feuille de route" de sortie de crise décidée par le pouvoir et dont les contours se dessinent progressivement.