Près d'un mois après son élection, Abdelmadjid Tebboune fait face aux mêmes défis politiques que ceux qui ont précédé le scrutin du 12 décembre dernier. Du dialogue avec la classe politique et le mouvement citoyen, de la révision constitutionnelle en passant par la composition du gouvernement, les défis sont énormes. Alors que le nouveau président a déjà déclaré avoir tendu "la main" au mouvement populaire, Abdelmadjid Tebboune peine à trouver des interlocuteurs. Si en coulisses, des personnes réputées actives au sein du mouvement populaire sont contactées individuellement, il n'est pas aisé de s'avancer sur le nombre de personnes qui ont répondu favorablement à l'appel. En public, en revanche, les initiatives se multiplient. Un groupe de personnalités a rédigé un appel pour la tenue d'un congrès des acteurs du hirak. Une pétition est également lancée. Pendant ce temps, les manifestations populaires vont se poursuivre. Les slogans des manifestants qui sortent dans les rues les mardis et vendredis restent inchangés : l'option du dialogue est carrément rejetée. Des pans entiers du mouvement populaire, appuyés par des personnalités et des partis politiques, estiment, en effet, que les revendications des manifestants étant connues, il ne reste aux autorités qu'à les satisfaire. D'autres acteurs avancent, en revanche, l'idée de négocier carrément avec le pouvoir les conditions de son départ. Car, le départ du système est la principale revendication du mouvement populaire après la démission d'Abdelaziz Bouteflika. La seconde revendication est liée à la primauté du civil sur le militaire. Or, sur ces deux questions, le chef de l'Etat est resté évasif. S'il a promis de régler le premier problème à travers notamment une révision de la Constitution, Abdelmadjid Tebboune n'a jamais évoqué la seconde réclamation des Algériens. Outre cette frilosité de la classe politique et du mouvement populaire à aller directement au dialogue, le pouvoir fait face à une autre équation : tous ceux qui acceptent le dialogue comme voie de sortie de crise mettent tout de suite en avant des préalables. Tout le monde s'accorde sur la nécessité, pour le pouvoir, de prendre des mesures d'apaisement avant d'entamer un dialogue. À commencer par la libération des détenus, la levée des contraintes sur l'exercice politique et les médias, la levée des blocus imposés aux grandes villes et d'autres revendications. Autant d'obstacles que doit surmonter Abdelmadjid Tebboune et d'autres parties du pouvoir. Avant d'en arriver là, le pouvoir doit d'abord gagner la confiance des Algériens. Pour notamment combler le déficit de légitimité dont souffre le chef de l'Etat, élu par uniquement 40% des seulement 9 millions de votants, selon les chiffres officiels, les autorités savent qu'elles doivent jouer sur des actions symboliques. C'est le cas par exemple de la mise à l'écart, du moins publiquement, des partis de l'ancienne alliance présidentielle lors de la phase préparatoire à la composition de la future équipe gouvernementale. En procédant de la sorte, les autorités veulent ainsi éviter d'être taxées de vouloir reproduire le système politique d'Abdelaziz Bouteflika. Le Premier ministre désigné, Abdelaziz Djerad, en a fait sa priorité. En attendant les actes. C'est donc dans ce contexte difficile que le chef de l'Etat doit tenter de convaincre un maximum d'acteurs politiques à se joindre à sa feuille de route. Mais là aussi, les prévisions ne sont pas trop optimistes pour lui. Pour l'instant, seuls les partis de l'ancienne alliance présidentielle ont applaudi — comme à chaque initiative du pouvoir — cette option de dialogue. Ils ont été rejoints, cette semaine par le Mouvement de la société pour la paix. Au sein de l'opposition, pour l'heure, seul le parti Jil Jadid de Soufiane Djilali a montré des prédispositions pour participer aux conciliabules que propose le pouvoir. L'autre examen auquel devra se soumettre Abdelmadjid Tebboune dans les prochains mois sera celui de la révision constitutionnelle. En plus du contenu qui sera scruté par l'ensemble des acteurs politiques, le chef de l'Etat devra notamment recourir à l'actuel Parlement pour faire passer son projet. Or, les membres des deux Chambres sont issus, dans leur écrasante majorité, du système mis en place par Abdelaziz Bouteflika. Un choix risqué parce que la dissolution du Parlement fait partie des revendications du mouvement populaire. Le chef de l'Etat a beau expliquer que l'organisation d'une élection législative avec l'arsenal juridique actuel ne réglera pas le problème. Mais cela ne semble pas avoir convaincu grand monde. En attendant, l'annonce de la composante du gouvernement est en soi un premier test que passera Abdelmadjid Tebboune.