L'annonce par la présidence de la République de l'installation d'un comité d'experts, composé d'universitaires, pour formuler des propositions pour la révision de la Constitution, a fait réagir des partis politiques. Ces derniers se sont rejoints pour dire que le pouvoir ne doit pas appréhender la question comme un simple chantier technique. Atmane Mazouz, secrétaire national du RCD,chargé de communication "Le projet de Tebboune sera, au minimum, semblable à celui de Bouteflika" "Tout projet de révision de la Constitution doit être l'émanation de la volonté populaire à travers des représentants qu'il aura préalablement choisis souverainement pour élaborer un texte fondamental pour la pérennité de l'Etat et le respect des choix populaires. L'histoire nous a appris que chaque chef de l'Etat désigné a élaboré des textes pour renforcer son emprise sur la société et protéger le clan qui l'a intronisé. Qui pourra croire que celui qui a été désigné en dehors et contre la volonté populaire puisse envisager l'idée d'une Constitution consensuelle que le RCD et l'opposition ont tout le temps prônée ? Qui peut aussi croire à une personne désignée pour présider ce comité et qui a servi le système dans toutes les circonstances de coups d'Etat constitutionnels pour élaborer un projet qui tienne compte de la volonté des millions d'Algériens qui manifestent depuis le 22 février ? Le projet de Tebboune sera, au minimum, semblable à celui de Bouteflika qu'il a longuement servi, ou pire que celui qui a vu le pays, sous le règne de ce dernier, vivre l'une des dérives les plus monumentales après le coup d'Etat constitutionnel de novembre 2008, consacrant une personnalisation abjecte du pouvoir. Le peuple algérien, dans sa plus grande majorité, a, souvent, affiché sa vision pour une Constitution consensuelle et pérenne qu'il souhaite donner au pays pour finir avec les illusions entretenues depuis l'indépendance. L'écrasante majorité de la classe politique algérienne rejette toutes les projections venant d'un pouvoir illégitime avec de nouvelles supercheries visant à détourner l'opinion sur les exigences de l'heure et l'urgence d'une transition politique qui évitera le chaos à la nation."
Soufiane Djilali, président du parti Jil Jadid "Le projet doit être soumis à débat" "à l'évidence, le président Tebboune veut aller vite par rapport à ce qu'il a déjà annoncé durant la campagne électorale. Le contenu global de la directive de Tebboune adressée au président du comité d'experts va dans le sens des revendications du hirak. S'agissant de la méthode adoptée par la présidence de la République, nous avons constaté que d'éminents experts spécialistes de droit viennent de toutes les universités du pays. Lesquels experts devront animer le comité qui va dialoguer avec l'ensemble des spécialistes pour mettre au point un projet de Constitution qui prendra en compte l'ensemble des propositions. Mais, la dimension politique devra intervenir pour régler les préalables et les exigences de la classe politique. La libération des détenus s'inscrit d'ailleurs dans les préalables émis par la classe politique pour engager un dialogue politique sérieux. C'est pourquoi, le pouvoir devra accepter aujourd'hui d'engager un vrai dialogue avec l'opposition. À présent, je ne veux pas préjuger de quoi que ce soit. Cela étant, le projet de Constitution, une fois élaboré, devra faire l'objet d'un débat, autrement dit, la mouture de la Constitution sera soumise à débat pour ensuite se prononcer."
Hakim Belacel,premier secrétaire du FFS "Le pouvoir doit cesser de mettre en place des comités étouffoirs" "Le Front des forces socialistes reste fidèle à sa position politique par rapport à la crise politique du pays. Le parti reste encore et toujours attaché à ses principes. Nous maintenons toujours notre revendication historique qui n'est autre que celle de l'élection d'une Assemblée constituante. Pour nous, la Constitution doit être le résultat d'un long processus politique avec la participation de tous les acteurs politiques et autres. Cela démontre, encore une fois, la nécessité de l'instauration d'une période de transition qui aboutira à la fin du processus à une Constituante pour l'avènement de la deuxième République démocratique et sociale. Le pouvoir doit cesser de mettre en place des comités étouffoirs." Lakhdar Benkhelaf, député du fjd "Il ne faut pas se contenter d'une commission technique" "Nous sommes, bien entendu, pour un amendement profond et global de la Constitution qui limite les prérogatives du président de la République, afin d'en finir avec les bombes à retardement laissées par ‘el-îssaba'. En l'occurrence avec le président de la République déchu, nous étions dans un régime superprésidentiel où tous les pouvoirs étaient concentrés autour de sa personne. Nous avons, pour notre part, appelé, à maintes reprises, à l'instauration d'un équilibre entre les différentes institutions étatiques et à la séparation de la politique de l'argent sale. Nous sommes aussi pour la consécration de l'indépendance de la justice et le renforcement du contrôle du Parlement sur l'action du gouvernement, ainsi que l'exclusion de l'immunité parlementaire de tout acte sans lien avec le mandat. Il faut en finir avec le régime superprésidentiel et instaurer un régime semi-présidentiel", a-t-il dit, ajoutant que "pour cela, il ne faut pas se contenter d'une commission technique, mais initier en parallèle un dialogue autour de la révision de la loi fondamentale avec, notamment, les partis politiques, les syndicats, le mouvement associatif et des représentants du hirak pour que cette refonte soit acceptée et votée par l'ensemble du peuple".