Pour l'instant, la demande du chef de l'Etat reste évasive. L'élaboration d'un projet de loi permettra d'éclaircir la position des autorités. Après des mois de permissivité, les autorités semblent vouloir mettre fin aux discours de la haine et du racisme ambiant. La présidence de la République annonce avoir instruit, hier, le gouvernement d'élaborer une loi criminalisant le racisme, le régionalisme et la haine. "Cette mesure intervient après avoir constaté une recrudescence du discours de la haine et de l'incitation à la fitna (discorde), notamment à travers les réseaux sociaux", explique la même source reprise par l'APS. Le document ajoute que l'instruction intervient aussi dans le but "de faire face à ceux qui exploitent la liberté et le caractère pacifique du hirak (mouvement populaire) pour brandir des slogans portant atteinte à la cohésion nationale". "Tout un chacun est appelé à se conformer à la Constitution et aux lois de la République, notamment le respect des constantes de la nation et ses valeurs, les principales composantes de l'identité et de l'unité nationales, ainsi que les symboles de l'Etat et du peuple", conclut le communiqué de la présidence de la République. L'adresse du chef de l'Etat intervient dans un contexte marqué par des propos racistes et parfois insultants envers des personnalités publiques et même contre des personnalités historiques. Durant de longs mois, des personnalités publiques se sont permis de jeter leur venin contre une partie des Algériens. La sortie d'Abdelmadjid Tebboune est d'autant plus intrigante qu'il existe dans le droit algérien une loi qui punit ce genre de comportements. L'article 298-bis du code pénal indique, en effet, que "toute diffamation commise envers une ou plusieurs personnes qui appartiennent à un groupe ethnique ou philosophique, ou à une religion déterminée est punie d'un emprisonnement d'un (1) mois à un (1) an et d'une amende de dix mille (10 000) DA cent mille (100 000) DA ou de l'une de ces deux peines seulement, lorsqu'elle a pour but d'inciter à la haine entre les citoyens ou habitants". La loi n'a jamais été appliquée. Y compris lorsque des plaintes sont déposées. Au-delà de cette loi, l'adresse du chef de l'Etat laisse planer des zones d'ombre sur les intentions du pouvoir. En se référant aux slogans portés par des manifestants lors des manifestations populaires, les autorités jouent ainsi la confusion. Cela peut justifier, en effet, des arrestations semblables à celles effectuées parmi les porteurs de l'emblème amazigh. Une mauvaise interprétation peut être utilisée comme moyen d'attenter à la liberté d'expression et de constituer ainsi une épée de Damoclès au-dessus de la tête des manifestants. Pour l'instant, la demande du chef de l'Etat reste évasive. L'élaboration d'un projet de loi permettra d'éclaircir la position des autorités.