Le président tunisien Kaïs Saïed, qui a passé 100 jours au pouvoir, a déploré jeudi l'absence d'un nouveau gouvernement près de quatre mois après les élections. M. Saïed, 61 ans, qui avait jusque-là pratiquement fermé à la presse les portes du palais de Carthage, a répondu jeudi soir en direct aux questions de journalistes, une première depuis sa prestation de serment le 23 octobre. Le chef de l'Etat, qui critique le système parlementaire partisan, a assuré qu'il n'avait aucune intention de former un parti. Il a souligné qu'en cas d'échec à former un gouvernement, "je devrais appliquer la Constitution". Elle lui permet, en l'absence de gouvernement approuvé, de dissoudre le Parlement à partir de la mi-mars. À l'issue des législatives d'octobre, aucun parti n'a obtenu la majorité. Au contraire, elles ont abouti à un éclatement inédit, avec une vingtaine de formations représentées au Parlement. Après l'échec début janvier d'un premier gouvernement à obtenir la confiance, M. Saïed s'est vu confier la tâche de nommer un nouveau Premier ministre, une situation qui lui a permis d'"imposer son jeu", selon M. Chérif, politologue, cité par des médias. Président sans parti, Saïed a notamment exigé des formations politiques qu'elles communiquent des propositions écrites, avant de choisir comme chef de gouvernement un ex-ministre centriste, Elyes Fakhfakh. Fruit d'un compromis, ce choix a néanmoins fait fi des préférences des deux principaux partis, les islamistes d'Ennahdha et la formation Qalb Tounes du magnat des médias Nabil Karoui. M. Fakhfakh, très largement battu lors des élections, a lui-même reconnu ne devoir sa légitimité qu'à M. Saïed. Le président tunisien a souligné en outre avoir préparé des projets de loi, "en matière économique et sociale", des thèmes qui lui sont chers, bien que ses prérogatives portent essentiellement sur la sécurité et la politique étrangère. Dans ses trois premiers mois au pouvoir, il a reçu des responsables étrangers de tous bords au sujet du conflit en Libye voisine, dont le président turc Recep Tayyip Erdogan. Le président a assuré jeudi soir qu'il n'y avait "pas d'isolement", en dépit de son absence remarquée à plusieurs rencontres internationales, liée, selon lui, à la situation politique en Tunisie. Sa première visite officielle est prévue à Alger demain.