Plus d'un mois après sa désignation comme Premier ministre, Abdelaziz Djerad passera, aujourd'hui, son premier "test oral". Il va présenter devant les députés de l'APN le plan d'action de son gouvernement. La présentation du plan d'action du gouvernement Djerad sera un moment inédit dans l'histoire récente du pays. Pour la première fois depuis ces 20 dernières années, un Premier ministre se présente devant un hémicycle qui n'est pas forcément acquis d'avance. S'il est, en effet, évident que les partis de l'opposition vont soit boycotter la séance (comme c'est le cas du RCD et du FFS qui l'ont dit publiquement), soit assister pour exprimer des critiques, les députés des partis du système Bouteflika sont dans une position inconfortable. Il est difficile de s'avancer sur le nombre de parlementaires qui seront présents. Quel que soit leur nombre, les députés du FLN, du RND, du MPA et du TAJ, qui ont constitué le socle politique du cinquième mandat pour Abdelaziz Bouteflika, seront mis dans la gêne. Eux qui n'ont jamais fait autre chose qu'accompagner les politiques et les décisions de l'Exécutif ne devront pas déroger à la règle cette fois-ci. Mais contrairement aux fois précédentes, ces partis politiques se sont abstenus de soutenir le chef de l'Etat, Abdelmadjid Tebboune, lorsqu'il était candidat à l'élection du 12 décembre dernier. Preuve de cette gêne qui s'est emparée de ces formations politiques : il était pratiquement difficile, voire impossible, de les joindre. Seule exception, le chargé de communication du FLN. Mohamed Lamari explique que son parti "n'a donné aucune consigne" aux députés. "Ils vont agir en leur âme et conscience", dit-il. C'est déjà une évolution par rapport aux sessions parlementaires précédentes où les états-majors des partis du pouvoir donnaient toujours la même instruction aux parlementaires : adopter sans discuter les projets du gouvernement. Jeudi, les députés du FLN, du RND, du MPA et du TAJ vont certainement adopter le texte du gouvernement. "Il est évident que le président de la République étant issu de la volonté populaire, nos députés ne vont pas s'opposer au choix du peuple", a reconnu Mohamed Lamari, qui ajoute que "nos députés sont responsables". En revanche, nos tentatives de contacter les autres groupes parlementaires ont été vaines. Le chef du groupe parlementaire du MPA, Cheikh Berbara, coupait son téléphone, tandis que chez le chef du groupe du FLN, le téléphone sonnait. En vain. "Vous pensez que les députés du pouvoir vont s'opposer au gouvernement ?", s'interroge un cadre de l'un de ces partis politiques qui a requis l'anonymat. Placé entre le marteau du nouveau pouvoir qu'ils n'ont pas soutenu et l'enclume du mouvement populaire qui réclame leur révocation, les députés de la majorité n'ont d'autre choix que de laisser passer la vague. Ils vont adopter la copie du gouvernement au risque de voir leur mandat, déjà entaché des soutiens répétitifs au système Bouteflika, écourté par des élections législatives anticipées. Une menace qui pèse sur eux d'autant que le chef de l'Etat a déjà annoncé des élections législatives d'ici à la fin de l'année en cours. Il n'attend que l'adoption — par ce même Parlement — de la nouvelle Constitution, qui est en phase d'élaboration, et des lois qui en découleront avant de dissoudre l'actuelle Chambre basse et d'aller vers des élections législatives. Dans son plan d'action, le gouvernement promet de réformer le mode de gouvernance. La consécration du système déclaratif pour les réunions publiques et la création des associations sont la grande nouveauté de ce plan d'action. Ces mesures seront concrétisées dans le cadre de la révision de la loi sur les associations et le code électoral. En revanche, le plan d'action du gouvernement n'annonce pas de tels avantages pour les partis politiques. Leur création dépendra donc de la nouvelle loi sur les partis politiques. Par ailleurs, le projet qu'énoncera aujourd'hui le Premier ministre promet de donner plus de prérogatives au Parlement et une meilleure séparation des pouvoirs.