Lamis Saïdi a présenté la traduction des recueils d'Anna Gréki, jeudi au centre diocésain des Glycines, afin de faire "revivre" l'œuvre de cette militante et femme de lettres. Le centre diocésain des Glycines (Alger) a abrité jeudi une rencontre autour de la traduction des poèmes d'Anna Gréki, à la faveur de la publication de l'ouvrage Anna Gréki, juste au-dessus du silence (éditions Terrasses) de Lamis Saïdi. Une telle initiative n'aurait pu se réaliser n'était la détermination de la poétesse, traductrice et autrice Lamis Saïdi, qui ressuscite la poésie de Colette Grégoire, dite Anna Gréki, dans une traduction en arabe de ses recueils Algérie, capitale Alger et Temps forts, publiés respectivement quelques mois après l'indépendance aux éditions Sned à Tunis et en 1966. Mais qu'est devenu ce legs poétique plus de cinquante ans après la disparition de cette Algérienne d'origine européenne ? Sa poésie est quasi introuvable en Algérie, selon la conférencière, et c'est à cause, entre autres, de cette marginalisation et afin "de faire revivre" le cercle de nos poètes disparus (les Sénac, Djaout, Sebti, Amrani, Belamri…) que Saïdi a entrepris de traduire, aux éditions Terrasses, l'œuvre de la native de Menaa à Batna. Il y eut aussi chez Saïdi une envie – un besoin peut-être – de "retrouver des textes poétiques précurseurs d'un courant de modernisme, qui aurait fait écho avec la révolution linguistique et poétique qui eut lieu dans le monde arabe au début des années 50". Au début de ses recherches, elle tombe sur une poésie en arabe mais bute sur le classicisme de celle-ci, qui n'a pas "évolué" esthétiquement parlant. Bien sûr, dira Saïdi, "en termes de romans et littérature de récit, il y avait les Djebar, Dib, Yacine, etc. Mais en poésie, je me suis toujours arrêtée devant ce que je pensais être une absence de références poétiques modernistes. Je ne retrouvais pas ce courant moderniste en arabe et en français, mais notamment en arabe". Et d'ajouter : "Je n'arrivais pas à retrouver des textes auxquels je pouvais adhérer esthétiquement." La découverte d'une tout autre poésie, celle de Gréki en l'occurrence, interpelle la poétesse qui lui trouve, en plus de son engagement et modernisme, de vraies qualités esthétiques. "Gréki a écrit une poésie complètement dépassionnée dans des conditions difficiles. Elle a connu l'emprisonnent, la torture et d'autres sévices. Elle a pu se distancier de ce moment chargé émotionnellement et créer une poésie sincère et sophistiquée." Et à Saïdi de poursuivre : "Ce que j'appelle sophistiqué est une poésie qui puise dans l'émotion sans être sentimentaliste. On peut très bien puiser dans l'humain et la sincérité sans tomber dans un lyrisme superficiel." Et ce sont les articles de Gréki publiés dans les colonnes des journaux qui décide la poétesse à entreprendre la traduction de ses œuvres. Une traduction nécessaire, qui permettrait une "réconciliation" avec les langues, mais aussi pour faire revivre les grandes œuvres nationales. "Il était très important de réaliser ce concept de «littérature de relais» pour reprendre Sénac. Je pense qu'on devrait traduire systématiquement parce que nous vivons dans des ghettos linguistiques ; l'arabophone ne lit pas le francophone, et vice-versa. Il est important de mon point de vue que l'Algérien s'habitue à cette réconciliation linguistique, la cohabitation entre le français, tamazight et l'arabe."