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Mobilisation record à Alger
L'an II du Hirak a commencé hier
Publié dans Liberté le 22 - 02 - 2020

Foule impressionnante, retour en force de l'emblème amazigh, reprise des vieux slogans et des interpellations en début et en fin de marche. C'est ainsi que la capitale a entamé la deuxième année du hirak.
Au milieu de la matinée, la capitale a pris les allures d'une journée exceptionnelle. De multiples espaces de l'épicentre de la marche hebdomadaire (les rues Abdelkrim-Khettabi, Didouche-Mourad, Asselah-Hocine, Hassiba-Ben Bouali, le boulevard Colonel Amirouche…) ont été libérés de la présence policière en prévision, ce vendredi, d'une mobilisation du mouvement citoyen. Le dispositif sécuritaire est néanmoins renforcé autour de la place Audin et de tous les accès vers le Palais du gouvernement, le siège du ministère de la Défense et le palais présidentiel.
À 11h, quelques milliers de manifestants s'étaient déjà approprié la rue Didouche-Mourad, du siège régional du RCD — au demeurant encerclé par des policiers — à l'esplanade de la Grande-Poste. "Nous ne sommes pas venus festoyer, mais pour vous demander de partir", scandaient-ils, déterminés à ne pas permettre au régime de détourner la révolution. Mercredi, le président Tebboune a décrété le 22 février "Journée nationale de la fraternité entre le peuple et l'armée pour la démocratie".
Les médias inféodés n'ont cessé, ces derniers jours, de diffuser des débats et des reportages sur le 1er anniversaire du hirak, circonscrivant sa longévité à la période de la démission de Bouteflika et ses revendications à l'avortement du 5e mandat et à l'emprisonnement d'anciens hauts cadres de l'Etat et des hommes d'affaires impliqués dans des affaires de corruption.
Les manifestants ont porté des pancartes aux messages édifiants : "Voleurs, ne touchez pas à ma révolution", "Le hirak n'a pas demandé une fête nationale. Le hirak demande votre départ", "Il faut aller jusqu'au bout.
Mille mercis au peuple", "Ntouma mafhamtouch, ou hna ma nahabsouch" (Vous, ne comprenez pas, et nous, nous ne nous arrêterons pas"… L'écho de l'interpellation de Me Yamina Allili, en compagnie des activistes Mohand Ouakli et Zahir Moulaoui — qui seront relâchés dans la journée —, est parvenu aux oreilles des protestataires. Ils ont aussitôt exprimé une détermination à s'imposer dans la rue vaille que vaille. Les bannières amazighes ont flotté au-dessus des têtes. "Voici l'emblème, venez le chercher", ont scandé ceux qui les portaient.
Les éléments de la Sûreté nationale se sont cantonnés dans la passivité, n'ayant visiblement pas reçu d'instructions pour faire la chasse aux porteurs de l'étendard identitaire. Des interpellations sont pourtant opérées dans les rangs des manifestants, sans motif apparent. Interpellations ciblées ? Difficile à dire, mais chaque arrestation provoquait la colère des protestataires, qui tentaient de "délivrer" le marcheur embarqué dans le fourgon cellulaire.
Après la prière du vendredi, une véritable marée humaine a envahi les différents axes empruntés par les marcheurs, Didouche-Mourad pour ceux venant des hauteurs d'Alger, Hassiba-Ben Bouali pour ceux en provenance des quartiers de Belcourt et du 1er-Mai, légèrement plus tard les groupes d'El-Harrach et, enfin, les boulevards Zighoud-Youcef et Asselah-Hocine pour la procession de Bab-El-Oued et de La Casbah. La rencontre des trois cortèges aux abords du parc Sofia et de l'esplanade de la Grande-Poste a formé une foule impressionnante, débordant sur les rues et ruelles adjacentes.
Pour mieux afficher l'attachement à la revendication fondamentale du mouvement citoyen, des centaines de manifestants ont écrit sur la paume des mains les chiffres 7 et 8, renvoyant aux articles de la Constitution qui consacrent la souveraineté au peuple. Ils ont repris aussi de vieux slogans : "Blad bladna ou ndirou raina", "Klitou lblad ya sarrakine", "Chaâb yourid Iistiqlal" et "Pouvoir au peuple".
Le président élu à l'issue du scrutin du 12 décembre a été paticulièrement visé : "One two, three, viva l'Algérie, et votre Tebboune n'est pas légitime", "Nous n'avons pas voté, et votre président n'est pas le nôtre"… À l'avenue Pasteur, à hauteur de l'hôtel Albert-1er, l'ex-candidat à la présidentielle Abdelkader Bengrina et des militants de son parti ont été chassés de la marche par des "Dégage" tonitruants.
Les portraits de Karim Tabbou, de Fodil Boumala, de Brahim Laâlami et de bien d'autres activistes en détention préventive ont été brandis. La manifestation a duré jusqu'au crépuscule. Des Algérois ont marché avec une grande bougie, placée sur un plateau rond aux couleurs du drapeau national. Il fallait marquer symboliquement le premier anniversaire de la révolution.

Souhila HAMMADI


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