"Les marges de manœuvre sont relativement réduites", a estimé, dimanche dernier, le chef de la division Moyen-Orient Asie centrale du Fonds monétaire international (FMI), Jean-François Dauphin, en évoquant la situation de l'économie algérienne, à l'issue d'une rencontre avec le ministre de l'Industrie et des Mines, Ferhat Aït Ali Braham. Le responsable du FMI fait référence, notamment, à la baisse des niveaux de réserves de changes du pays depuis le choc pétrolier de 2014. Les réserves de changes de l'Algérie, soit le stock de son épargne en devises, se sont contractées à 62 milliards de dollars, avait indiqué, au début du mois en cours, le gouverneur de la Banque d'Algérie. À fin avril 2019, les réserves de changes du pays étaient de 72,6 milliards de dollars. Elles étaient à 94,012 milliards de dollars à fin décembre 2013. La tendance à l'érosion du matelas de devises de l'Algérie devra se poursuivre durant les années à venir, si les prévisions intégrées dans les cadrages macroéconomiques de la loi de finances 2020 se réalisent. En effet, selon cette loi, l'encours des réserves de changes devrait s'établir à 51,6 milliards de dollars à fin 2020, puis à 45 milliards de dollars en 2021, pour atteindre 40 milliards de dollars en 2021. Depuis la chute des prix pétroliers en 2014, l'Algérie s'est enfermée dans une sorte de détresse budgétaire. Dans sa note de conjoncture sur les tendances monétaires et financières au second semestre de 2018, la Banque d'Algérie avait expliqué que "les diminutions annuelles des réserves de changes, liées aux déficits du solde global de la balance des paiements, traduisent l'excès de la dépense intérieure brute de l'ensemble des agents économiques sur le revenu national ; autrement dit, quasiment l'excès des importations de biens et services sur les exportations". Dans les faits, ces déséquilibres sont générés par les importants déficits des finances publiques. Pour la Banque d'Algérie, la poursuite de l'érosion des réserves de changes souligne la nécessité d'efforts d'ajustement soutenus, notamment budgétaire, pour rétablir la viabilité de la balance des paiements et limiter l'érosion des réserves officielles de changes. "Ces efforts devraient s'intégrer dans un vaste programme de réformes structurelles pour améliorer le recouvrement de la fiscalité ordinaire (y compris par la rationalisation des subventions), libérer le fort potentiel de croissance de l'économie nationale et diversifier l'offre domestique et les exportations de biens et services", avait-elle recommandé. Dans une contribution, Mouloud Hedir, expert des politiques commerciales, a relevé que dans "un souci de contenir, coûte que coûte, l'inflation des prix, les autorités ont opté pour le maintien d'un taux de change du dinar de plus en plus surévalué, ce qui, par ailleurs, pérennise un déficit de la balance des paiements qu'elles n'arrivent pas à corriger, en dépit de mesures restrictives multiples et désordonnées sur les échanges extérieurs". À terme, a-t-il averti, "l'épuisement des réserves de changes, qui devient inévitable à l'horizon, conduit tout droit à une situation cataclysmique", évoquant le recours au FMI, une dévaluation forte de la monnaie… Aujourd'hui, l'économie tourne au ralenti, la dépense d'équipement public est sévèrement réduite, alors que l'investissement productif est, quant à lui, presque totalement à l'arrêt. En dépit de l'optimisme affiché par le responsable du FMI, les nombreuses réformes qui ont été reportées à chaque fois depuis une vingtaine d'années (système de subventions, système financier et bancaire, concurrence et lutte contre les monopoles, politique du taux de change, politique commerciale extérieure, etc.) vont devoir être menées sous la contrainte et dans les pires conditions.