Ils étaient toujours aussi nombreux ces manifestants qui ont investi la rue pour réaffirmer comme un seul homme leur exigence d'une rupture radicale avec le système. Sans aucune surprise, la colère populaire était perceptible à la fois dans les slogans repris en chœur par les manifestants qui ont souvent abusé de leurs cordes vocales pour se faire entendre, et dans les slogans écrits sur des pancartes ou des banderoles. Dans leurs slogans déclinés tout au long de cette marche depuis son début de l'université, à 13h30, jusqu'à son point de chute, sur la place de la Bougie, les manifestants n'ont rien oublié de tout ce qui a marqué la scène politique nationale. Le génie populaire a encore parlé puisque, comme à l'accoutumée, les manifestants ont adapté leurs slogans aux dernières évolutions sans perdre de vue les revendications de la révolution populaire. "Ni le coronasystème, ni le coronavirus, ni encore la peste ne nous arrêteront", lit-on sur une large pancarte brandie par des manifestants qui scandaient en même temps "Ni le coronavirus, ni même la peste ne nous arrêteront". Le second slogan qui a prédominé dans la marche ciblait plus particulièrement la justice qui continue à exercer un harcèlement contre les activistes du mouvement populaire. "La détention arbitraire est partout, la justice est nulle part", "Non à l'instrumentalisation de la justice, libérez les otages d'opinion", "La justice du téléphone ne construit pas un Etat de droit", "Discours élogieux et flatteur à l'égard du hirak, intimidation et harcèlement judiciaire à l'égard de ses activistes", "Quand l'injustice devient loi, la résistance est un devoir", lit-on sur plusieurs banderoles déployées par des manifestants. Dans plusieurs de ces carrés qui formaient l'immense marée humaine qui a déferlé sur le centre-ville, on préférait brandir des pancartes qui réaffirmaient les revendications principales de la révolution, à savoir "Un Etat civil et non militaire", "Oui pour une transition démocratique", et "Oui pour un Etat de droit et une justice indépendante". D'autres réaffirmaient le rejet de tout dialogue avec le pouvoir et dénonçaient la "nouvelle trituration de la Constitution". "La Constitution c'est le peuple : à l'armée et l'Exécutif de l'exécuter", lit-on sur une de ces pancartes. Dans certains carrés, des manifestants clamaient plutôt leur rejet des tentatives de retour des idéologies et du régionalisme, allusion faite aux islamistes qui tentent de manipuler la révolution, et d'autres préféraient rendre hommage au hirak et à la détermination du peuple à ne pas s'incliner avant la satisfaction de ses revendications.