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"Nous nous préparons à faire face à une situation catastrophique" Professeur Karima Achour, chef du service de chirurgie thoracique à l'hôpital de Bab el-Oued
Pour le professeur Karima Achour, nous ne pouvons pas apprécier le taux de létalité si nous ne disposons pas du nombre réel des personnes atteintes du coronavirus. Elle estime en même temps que ne sont diagnostiqués généralement que ceux qui se rendent à l'hôpital et ceux qui sont en service de réanimation. Liberté : Pensez-vous que les mesures de semi-confinement prises par l'Etat sont suffisantes pour ralentir, voire arrêter la propagation du coronavirus ? Karima Achour : C'est déjà une bonne chose. Le problème se pose en termes de respect de l'application de ces mesures par les citoyens, afin de sortir de cette crise sanitaire qui est mondiale. Fallait-il aller vers une démarche sanitaire plus contraignante ? À mon avis, il faut y aller lentement, étape par étape. Les gens ne sont pas habitués à ce genre de crise. Certains pensent même que le coronavirus est une invention. Ce n'est pas une blague. La situation de pandémie est bien réelle. Ce qui s'est passé en Chine est en train de rattraper le monde. Il faut se rappeler la grippe espagnole et, plus récemment, l'épisode de la grippe H1N1. Certes, l'Algérie n'a pas vraiment été atteinte, mais outre-mer, c'était dramatique de voir des gens en situation de détresse respiratoire, intubés. Aujourd'hui, la situation est pire qu'elle ne l'était. Cela ne relève pas de la chirurgie, mais en tant qu'acteurs de la santé, nous sommes obligés de nous mettre en avant pour éviter l'hécatombe. Ce qu'il y a de mieux à faire maintenant, c'est de se confiner pour ne pas s'exposer aux gens porteurs du virus. Il faut tenter de rester dans le cadre de la cellule familiale restreinte, au moins le temps que le pic de la pandémie passe. Comment expliquez-vous le taux de létalité élevé en Algérie par rapport aux cas de contamination enregistrés ? Nous ne pouvons pas avoir une bonne appréciation du taux de décès, à savoir s'il est élevé par rapport aux autres pays ou alors équivalent, si nous n'avons pas le bon diagnostic des personnes atteintes du coronavirus. Le taux de mortalité par le coronavirus en Algérie est calculé par rapport aux malades dépistés et déclarés. C'est ce qui m'effraie. Tentez de vous dépister et vous allez constater la galère. Donc, l'échantillonnage n'est pas représentatif. Sur une centaine de cas, nous ne pouvons pas extrapoler. Sur 500 à 600 contagions, c'est, peut-être, possible. Certains passent leur période de maladie à la maison. On ne diagnostique généralement que ceux qui se rendent à l'hôpital et ceux qui sont en service de réanimation. Si nous avions le nombre exact des contaminations, nous retomberions probablement sur le pourcentage de morbidité mondiale lié au coronavirus. Généralement, les personnes décédées étaient fragiles avec une cor-morbidité associée d'après les échos qui me parviennent des confrères. Actuellement, il y a une polémique sur le nombre de places en réanimation disponibles dans le pays. Les chiffres fournis par les autorités reflètent-ils la réalité ? Je pense que si nous arrivons à des cas extrêmes, nous serons comme tous les autres pays, à savoir vite dépassés par la situation. Il n'y a aucun pays disposant d'autant de lits de réanimation que sa population malade. C'est pour cette raison qu'il faut confiner les villes, le temps du pic de cette épidémie. Quel est le niveau d'alerte dans les hôpitaux ? Effectivement, nous sommes en état d'alerte. Les activités des services ont un peu diminué. Nous nous préparons à faire face à une situation catastrophique qui, je l'espère, n'arrivera pas. En dehors du coronavirus, nous tentons de pallier les urgences comme l'appendicite, le cancer, la perforation d'ulcère, en attendant de reprendre notre rythme habituel. Le personnel médical dispose-t-il des moyens de protection nécessaires ? Oui, pour ceux qui sont au premier front, qui diagnostiquent le coronavirus, font le tri, s'occupent des personnes suspectes, des tests et des interrogatoires. En ce qui nous concerne, nous les médecins de deuxième ligne, nous disposons des moyens de protection habituels. Bavettes, gants, etc.