Le barreau des avocats d'Alger est en colère. Il demande l'annulation du jugement prononcé contre Karim Tabbou qui a été "condamné sans procès". Dans un communiqué rendu public hier, l'ordre des avocats d'Alger s'en est violemment pris au ministère de la Justice et s'en remet au chef de l'Etat. L'ordre des avocats de la capitale considère, en effet, que ce qu'a subi Karim Tabbou, le 24 décembre, est "une atteinte grave à la primauté de la loi et des droits des justiciables et une violation claire du droit de la défense". Pour cela, les avocats décident de "suspendre toute coordination avec les parties judiciaires et administratives et appellent les autres barreaux à prendre les mêmes mesures (…)". Ils appellent également les avocats à "boycotter toute l'activité judiciaire à l'échelle nationale" afin de mettre fin aux "dépassements des droits des justiciables". Plus que cela, tout en demandant au président de la République de diligenter une enquête approfondie sur ce qui s'est passé mardi à la 5e chambre correctionnelle de la Cour d'Alger, le barreau d'Alger interdit à tous ses membres de travailler avec le président de la 5e chambre, Hamzaoui Mohamed-Sebaâ. Il appelle les autres barreaux à suivre cette démarche. Avant d'arriver à ces décisions radicales, le barreau d'Alger a d'abord énuméré les "dépassements" qui ont marqué l'affaire Karim Tabbou. Le document révèle en effet que l'homme politique a été jugé et condamné en son absence. Pis encore, son procès en appel n'a même pas été programmé et ne "répond pas aux normes" puisque les procédures de l'appel n'ont pas été épuisées. Plus que cela, l'homme a été présenté sans en informer ses avocats. Ces derniers n'ont su que leur mandant était devant le juge que par le biais de leurs collègues, constitués dans d'autres affaires. Puis, le militant "affaibli" et "visiblement malade" a demandé la présence de ses avocats. Le juge est passé outre. Il a décidé de le condamner alors qu'il venait de faire un grave malaise devant lui ! Les barreaux de Tizi Ouzou et de Béjaïa ont adopté le même ton. Ils ont réagi, hier, de manière virulente, à la façon avec laquelle s'est tenu, la veille, le procès de Karim Tabbou à la Cour d'Alger. "Se taire face à ce procès inique de Karim Tabbou qui s'est déroulé à la Cour d'Alger serait une complicité. Et rester dans l'expectative et ne rien faire pour changer les choses ne serait qu'un délit de non assistance à personne en danger", s'est indigné le barreau de Tizi Ouzou dans une déclaration rendue publique hier. De son côté le bâtonnier de Béjaïa, Me Salem Khatri, a dénoncé, sur sa page Facebook, ce qu'il qualifie de "manœuvres extra-judiciaires" qui bafouent, selon lui, les procédures légales. Dans son document, l'ordre des avocats de Tizi Ouzou s'est, d'emblée, interrogé "pourquoi cette programmation en appel dans un délai record ?" alors que "même les détenus jugés avant cette affaire n'ont, à ce jour, pas vu leurs procès programmés à la Cour d'Alger". Une interrogation à laquelle le barreau dit avoir une réponse puisque, pour lui, "il n'est un secret pour personne maintenant que cette programmation survenue en toute hâte est faite pour empêcher le prévenu de quitter sa cellule et de rejoindre sa famille ce 26 mars". Abordant le déroulement du procès de Tabbou, l'ordre a relevé que non seulement il y a absence de toutes les conditions d'un procès équitable, mais pire encore, il y a, accuse-t-il, "violation des droits élémentaires de la défense". S'exprimant au nom du collectif national de défense des détenus d'opinion, le représentant du barreau de Béjaïa assène : "Nous tenons le pouvoir et ses relais pour responsables de tout ce qui peut arriver à Karim Tabbou." Et de déplorer que "le viol de la justice est commis le jour de la remise du projet de la nouvelle Constitution. Aucun espoir avec ce pouvoir". "La vie de notre citoyen Karim Tabbou et en danger. Nous espérons du fond du cœur que nous n'allons plus revivre la tragédie du Dr Kamel-Eddine Fekhar", a prévenu, par ailleurs, le bâtonnat de Tizi Ouzou. A Boukhlef/K. Tighilt/K. Ouhnia