D'aucuns n'hésitent pas à accuser le pouvoir de mettre à profit cette situation exceptionnelle imposée par la pandémie de coronavirus pour régler ses comptes avec les militants du hirak dans le but d'affaiblir celui-ci. Pas de trêve judiciaire pour la justice algérienne qui, au plus fort de la pandémie de coronavirus dans le pays, continue à condamner des militants du hirak. Comparaissant hier devant le tribunal de Sidi M'hamed (Alger), le président de l'association RAJ, Abdelouahab Fersaoui, a été condamné à une année de prison ferme assortie d'une amende de 20 000 DA. Lors du dernier procès de celui-ci, tenu le 23 mars dernier dans la même juridiction, le procureur de la République avait requis une peine de deux ans de prison ferme assortie d'une amende de 100 000 DA à l'encontre de Fersaoui, poursuivi pour les chefs d'inculpation d'"atteinte à l'intégrité du territoire national" et d'"incitation à la violence", en vertu des articles 74 et 79 du code pénal, et mis en détention provisoire le 10 octobre 2019 à la prison d'El-Harrach. à l'issue du verdict d'hier, la députée Fetta Sadat n'a pas caché sa colère, dans une déclaration à la téléweb de RAJ, tout en tombant à bras raccourcis sur la justice algérienne. "Avec ce verdict, la justice algérienne a prouvé encore une fois qu'elle est instrumentalisée par certaines parties pour réprimer et faire peur au peuple algérien", a-t-elle dénoncé. "Ces condamnations de militants politiques et associatifs n'influent en rien sur la détermination du peuple algérien à réaliser le changement et bâtir un Etat de droit ainsi que l'avènement d'une Algérie nouvelle basée sur le respect des droits et des libertés fondamentales", a-t-elle estimé. "Une année de prison ferme pour Abdelouahab Fersaoui. C'est de l'injustice !", s'est élevée, pour sa part, Me Yamina Allili, avocate du président du RAJ. Même colère chez le militant des droits de l'Homme et vice-président de la Laddh (aile Hocine Zehouane), Saïd Salhi, qui a qualifié le verdict de "provocation". "L'incroyable pouvoir indigne, qui profite de la trêve du hirak, Fersaoui Abdelouahab condamné à un an de prison ferme", fulminait-il. Et d'asséner dans un autre post publié sur sa page Facebook : "Un système sans honneur est indigne du respect et de la confiance. Même en temps de guerre, les ennemis respectent les trêves." "Le hirak trouvera toutes ses forces dans cet arbitraire, ce déni qui se poursuit contre les meilleurs enfants du pays, les meilleurs d'entre nous. Le hirak n'abandonnera jamais ses militants, il se poursuivra (…) Pour le moment, tout en restant mobilisés, solidaires avec les détenus et leurs familles, occupons-nous de la crise sanitaire", a soutenu le vice-président de la Laddh. Côté ONG, Amnesty International a réagi, elle aussi, à la condamnation du président du RAJ en la qualifiant de scandaleuse. "Condamner un militant à une année de prison ferme pour avoir exprimé son opinion pacifiquement sur Facebook en pleine crise sanitaire est inadmissible et scandaleux", a dénoncé Hassina Oussedik, directrice d'Amnesty International Algérie, dans un communiqué. "Aujourd'hui, plus que jamais, il est urgent de libérer immédiatement et sans condition tous les détenus d'opinion et de mettre fin au harcèlement judiciaire des militants pacifiques", s'est-elle encore exclamée. Hier toujours, pas moins de 10 autres procès se sont tenus dans différentes juridictions du pays, a indiqué le Réseau de lutte contre la répression. Il y a d'abord celui du militant engagé Karim Tabbou au tribunal de Koléa (Tipasa) mais qui a été reporté au 27 avril. En outre, les 7 militants qui ont été libérés de prison le 2 janvier 2020 avant d'être arrêtés le vendredi 13 mars, ont comparu devant le tribunal de Sidi M'hamed (Alger). Il y a aussi le procès du détenu Ali Rabehi au tribunal de Biskra qui, le 18 mars dernier, l'a placé sous mandat de dépôt. Et enfin le procès en appel de l'activiste Nadir Klouz qui s'est tenu à la Cour de Mila. Samedi 4 avril, le journaliste Sofiane Merakechi a été condamné à 8 mois de prison ferme par le tribunal de Bir Mourad-Raïs et ne quittera donc la prison que le 26 mai prochain. Le journaliste Khaled Drareni a été placé sous mandat de dépôt à la prison d'El-Harrach, mardi 29 mars, par le tribunal Sidi M'hamed, avant d'être transféré, le lendemain, à la prison de Koléa. Beaucoup de militants et d'ONG internationales se sont élevés contre ces condamnations de militants du hirak alors que le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a signé, mercredi 1er avril 2020, un décret présidentiel portant des mesures de grâce au profit de 5 037 détenus. Ne s'expliquant pas cet acharnement de la justice contre des militants politiques et associatifs jetés en prison pour avoir exprimé leur opinion, d'aucuns n'ont pas hésité à accuser le pouvoir de mettre à profit cette situation exceptionnelle imposée par la pandémie de coronavirus pour régler ses comptes avec les militants du hirak dans le but d'affaiblir celui-ci.