Pour beaucoup d'observateurs, la journée du mardi 3 mars 2020 est à marquer d'une pierre blanche pour la justice. L'universitaire et défenseur des droits humains Kaddour Chouicha, qui avait été condamné à la prison ferme pour offense au président de la République, outrage et violence à fonctionnaires de l'Etat et exposition au regard du public de documents de nature à nuire à l'intérêt national, a été relaxé par la Cour d'appel d'Oran. Dans la matinée de la même journée, le jeune Abderrahmene Affif, pour lequel le parquet avait requis deux mois de prison pour le port du drapeau amazigh, a été déclaré innocent par le tribunal correctionnel de Cité Djamel qui, en prime, a ordonné la restitution du précieux emblème identitaire. Pour les avocats du collectif de la défense du hirak, ces deux décisions font honneur à la justice algérienne en même temps qu'elles démontrent que les poursuites judiciaires enclenchées contre les hirakistes obéissent à des agendas politiques. "Tous les jours, les avocats démontrent que les accusations retenues contre les hirakistes ne sont pas fondées et que les poursuites étaient illégales", a déclaré Me Ahmed Mebrek, en substance, en dénonçant également les dépassements des services de sécurité dans la constitution des dossiers contre des manifestants qui "ne font qu'exercer leur droit constitutionnel d'exprimer leur opinion et de manifester pacifiquement". Kaddour Chouicha, figure incontournable du hirak oranais, avait été arrêté le 10 décembre dernier, jugé et condamné en comparution immédiate à une année de prison ferme. Il a passé 28 jours à la prison d'Oran avant de bénéficier de la liberté provisoire pour raison de santé à l'occasion du report de son procès en appel le 8 janvier 2020. En raison des mauvaises conditions de détention, la santé du militant — il souffre d'hypertension artérielle et de diabète — s'était sérieusement dégradée et avait fortement inquiété sa famille, qui a interpellé les autorités et les organisations nationales et internationales. Après un second report le 29 janvier (pour des considérations d'agenda du président d'audience), le procès en appel a eu lieu en présence d'une armada d'avocats venus des différentes régions du pays défendre un militant des droits de l'Homme contre l'injustice. Comme lors de sa comparution devant le tribunal d'Oran le 10 décembre 2019, Kaddour Chouicha a assumé l'ensemble de actes tout en rejetant les accusations portées contre lui. "J'ai été condamné pour mes convictions politiques", a-t-il soutenu alors que le collectif de défense a plaidé l'annulation du jugement de première instance et la relaxe de l'universitaire pour absence d'éléments de preuves matérielles soutenant l'accusation, mais surtout en raison "du caractère éminemment politique du dossier". Le procureur, lui, avait laconiquement requis le maintien de la peine prononcée en première instance. Quant à Abderrahmene Affif, il avait été interpellé lors de la marche du vendredi 21 juin 2019 alors qu'il battait le pavé drapé dans le drapeau national et l'emblème amazigh. Depuis, il a été placé sous contrôle judiciaire par le tribunal correctionnel de Cité Djamel et a dû attendre sept mois avant de comparaître devant le juge de la 3e chambre du même tribunal, qui a fini par le déclarer innocent de l'accusation d'atteinte à l'intégrité nationale (art. 79 du code pénal) portée contre lui. Pour les hirakistes d'Oran, les verdicts prononcés, hier mardi, constituent la preuve que leur cause est juste et que "la lutte doit continuer", comme l'a déclaré Kaddour Chouicha à la sortie du palais de justice.