Deux longs mois à vivre un cauchemar qui n'en finit pas. À Istanbul où ils sont logés dans des hôtels, des dizaines d'Algériens encore bloqués en Turquie, attendent impatiemment leur rapatriement au pays. Souffrant d'une situation déjà précaire financièrement, voilà qu'ils sont surpris par une expulsion en plein mois de Ramadhan de leurs lieux d'hébergement. Ils se retrouvent carrément chassés manu militari par les hôteliers qui assurent que "l'Etat algérien n'a pas honoré les frais d'hébergement". Les témoignages qui nous parviennent de Turquie sont glaçants, notamment ceux émanant de ces malades partis se faire opérer ou des malades chroniques. L'absence d'interlocuteurs ne fait que compliquer la situation davantage, à plus forte raison que ces Algériens qui ont tenté de se regrouper devant le consulat d'Algérie à Istanbul pour se faire entendre sont vite dispersés par une police turque intransigeante. Salah-Eddine Djeridane de Laghouat, Fatmi Hocine de Mascara ou encore Imad Chenani d'Oran et bien d'autres nous ont fait part non seulement d'une grande détresse mais aussi d'une dignité bafouée. "On se retrouve dans la rue, livrés à nous-mêmes mais surtout impuissants. Comment vont faire les malades, les femmes et les enfants. C'est inhumain, ce qui nous arrive", nous dit Fatmi Hocine parti accompagner son cousin qui s'est fait opérer de la colonne vertébrale à Bursa. Il poursuit : "La situation de mon cousin est vraiment critique. Nous avons épuisé tous nos moyens financiers et nous ne savons plus quoi faire et nous sommes nombreux à être dans cette situation. Comment est-ce possible que notre président reste sourd à nos appels de détresse ?". Salah-Eddine Djeridane n'en pense pas moins : "Nous avons patienté longtemps mais là on est à bout de souffle. Ce n'est pas normal tout ce mépris. Nous sommes carrément malmenés et touchés dans notre dignité d'Algériens et d'êtres humains que nous sommes", a-t-il déploré. Ce dernier qui n'a pas manqué, depuis des jours, de dénoncer leur vécu via des vidéos postées sur les réseaux sociaux insiste surtout sur les conditions intenables dans lesquelles ils se retrouvent à cause de ce satané virus Covid-19 : "Il y a un monsieur avec nous qui se retrouve avec une jambe gangrénée qu'il va perdre s'il ne reçoit pas les soins. Il y a aussi certaines personnes qui étaient venues ici pour subir des opérations chirurgicales pointues et qui ont besoin d'une hygiène de vie et d'être suivies. La situation est très difficile pour les femmes et les enfants. Nous ne pouvons pas continuer comme ça", a-t-il poursuivi. Les témoignages fusent d'ailleurs de toutes parts et inondent les réseaux sociaux notamment après leur expulsion des hôtels, chassés comme des malfrats. Salah-Eddine Djeridane insiste : "Qu'est-ce qu'ils attendent pour nous rapatrier. Ils auraient pu nous éviter tout ce calvaire et ces humiliations. Et qu'ils ne nous trouvent surtout pas l'excuse qu'il existerait des intrus parmi nous. Nous nous sommes inscrits au consulat munis de nos passeports et nos billets et c'est à ce titre que nous avons été placés dans les hôtels. Ils peuvent très bien faire le distinguo avec celui qui n'a pas refait son passeport depuis dix ans ou celui qui n'en dispose pas du tout. C'est très facile à vérifier." "Nos concitoyens doivent rentrer et les solutions existent" L'opération de rapatriement annoncée début avril dernier a "délivré" plus de 700 personnes mais s'est arrêtée net et s'annonce compliquée pour ceux qui restent sans que l'on explique les raisons. Noureddine Belmeddah ne semble pas le comprendre non plus, lui qui assure avoir interpellé les autorités algériennes à ce propos. "C'est la 4e fois que j'interpelle le gouvernement à ce propos", nous a-t-il affirmé, hier, lors d'un entretien téléphonique. Notre interlocuteur semble très inquiet de la situation estimant qu'"il est urgent d'agir pour rapatrier au plus vite les Algériens qui vivent des moments très difficiles loin de leur pays et de leurs familles". Il explique : "L'Algérie devrait recourir à des tests corona ultra rapides et efficaces mis au point récemment qui coûtent 70 euros et économiser l'argent de prise en charge dans les hôtels. Le gouvernement algérien pourrait aussi remettre aux consulats la mission de vérification et d'identification des personnes à rapatrier comme c'était le cas au début avant d'ouvrir le lien du ministère de l'Intérieur car c'est plus efficace et expliquer ainsi le nombre qui a augmenté sensiblement". Belmeddah qui suit de près le dossier des Algériens bloqués dans plusieurs pays étrangers, estime que "le cas de la Turquie est un peu particulier mais ce n'est pas une raison pour ne pas le prendre en charge" et plaide pour "rapatrier en priorité les vieux, les familles et les malades ainsi que tous ceux qui disposent d'un billet". Il a déploré, par ailleurs, "l'attitude des Turcs" qui, dit-il, "auraient pu faire un effort notamment en ce mois sacré" soutenant que "l'Algérie aurait payé son dû puisque l'ambassadeur d'Algérie en Turquie s'est engagé à cela".