C'est à la forme qu'on mesure la crédibilité d'une entreprise. Dans le cas de la campagne pour le référendum sur “la charte pour la paix et la réconciliation nationale”, la forme pèche justement par l'excès. Excès dans le verbe sur la “folie” et le “bellicisme” des détracteurs du projet, excès dans l'argumentation à l'emporte-pièce des multiples promoteurs d'appoint de la charte, excès dans les interférences extrapolitiques, comme cet appui venant de… Saidal ! Des affiches d'une qualité qui rappelle les années de propagande totale “ornent” les murs de nos villes et villages. Certaines rappellent ces vieux placards que l'appareil du parti transmettait aux mouhafadha qui les remettaient aux kasmas. Mais, il y en a un qui reste d'une troublante singularité : celui qui annonce la remise du prix “de la charte d'or” au président de la République. Là, la surprise est totale. On découvre une annonce sans que soient connus les initiateurs, ni le sens donné à cette récompense qui, au demeurant, précède la ratification du texte. Puisque nous sommes supposés être en démocratie, qui peut assurer que la charte ne sera pas lettre morte au soir du 29 septembre ? Le contenu de l'affiche a quelque chose de paradoxal : c'est “sous l'égide du président de la République” que sera attribuée la “charte d'or” au Président. Le comble, c'est que ces hommes de football se sont manifestés au moment inopportun où ils viennent de briller par leur aptitude à cumuler les déboires. À la veille de parachever une série de revers sportifs, les voici qu'ils pronostiquent des victoires politiques. Décidément, la politique est en passe de devenir la profession de ceux qui échouent dans leurs métiers. Et des politiciens aguerris accueillent avec complaisance tous ces amateurs de campagnes électorales qui, si l'on en juge par leurs performances, sont autant de piètres professionnels dans leur secteur. D'ailleurs, à différents niveaux de l'Administration, on rencontre de plus en plus de personnes qui, désespérant de leur évolution sociale, s'improvisent “candidats”. À un siège pour “se faire élire”, comme le précise la formule, ou à un poste pour se faire nommer. La porte étant grande ouverte à tous ceux qui veulent soutenir, et personne n'étant regardant sur la qualité des contributions, la scène publique commence à faire foire. Pourvu qu'on défende le oui, qu'importe la manière. C'est à en regretter cette “démocratie” où le pays est tout le temps en campagne. Un zèle généralisé et financé par les deniers publics ! Même le gouvernement a suspendu ses activités pour se consacrer à la seule promotion de la charte. Quand on voit les ministres de l'Education ou de l'Environnement prendre sur… le temps de campagne pour animer des activités sectorielles, on se demande s'ils n'ont pas pris le risque de passer pour des opposants. La politique étant devenue une occupation subventionnée, une nouvelle filière du secteur public ; au lieu d'être, comme en démocratie, une activité personnelle et privée, elle prend le risque de subir le sort de toutes les activités qui ne sont pas sanctionnées par un marché : la médiocrité du produit. M. H.