La chasse est au centre d'une nouvelle réglementation, l'activité, dont la reprise est à l'ordre du jour, nous est détaillée dans cet entretien que le secrétaire général de la Fédération nationale a bien voulu nous accorder. Liberté : Quel est le rôle de votre fédération dans la lutte contre le braconnage ? Ahmed Benmahdi : Dans chaque wilaya, il existe une fédération ainsi que des associations de chasse qui activent dans le domaine de la lutte contre le braconnage. Leurs prérogatives sont régies par la loi de la chasse notamment la 04-07 qui stipule, dans son article 35, alinéa 4, que les associations de chasseurs doivent contribuer à veiller à la lutte contre le braconnage. A ce propos, on s'aperçoit que le législateur algérien a utilisé un terme très important qui est "lutte", généralement utilisé contre des fléaux, ce qui indique que le rôle de ces associations est primordial.
Où se situent les blocages pour intervenir sur le terrain ? Le problème est que les associations de chasse, et malgré cet article de loi sus-cité, promulgué en 2004, qui précise en outre que le braconnage sera régi par un décret exécutif, sont dans le flou total et ne savent toujours pas les limites de leurs prérogatives puisque le texte d'application contre le braconnage n'est pas encore publié sur le journal officiel. L'absence de ce décret exécutif qui prévoit et définit les mécanismes et les prérogatives des associations de chasse est très important et on ne comprend pas pourquoi il n'a pas été publié malgré que la loi existe depuis 2004. Et là j'ouvre une petite parenthèse pour m'interroger sur l'identité de ceux qui profitent de cette situation de vide juridique. Ce sont les braconniers, les criminels qui savent que les associations et les chasseurs réglementés ont les mains liées en absence de textes d'application. Donc, les prérogatives de ces associations pour le moment se limitent à dénoncer les dépassements qu'ils constatent ? A dénoncer, c'est tout. Et même des fois, les chasseurs subissent des pressions et des menaces de la part de ces braconniers qui leur reprochent de s'immiscer dans ce qui ne les regarde pas. Justement où se situe l'autorité de l'Etat ? Dans les articles à partir de 90 de la loi de la chasse 04-07, il y a ce qu'on appelle les textes juridiques qui condamnent le braconnage ou toute tentative de braconnage. Certains officiers de l'administration forestière ont la qualité de police judiciaire et il existe par ailleurs une convention entre la Direction générale des forêts (DGF) et la gendarmerie nationale en matière de sortie sur le terrain pour constater les infractions et appréhender les contrevenants. Mais toujours est-il que le braconnage est présent dans le vaste domaine forestier du pays et particulièrement dans les territoires du sud où réside la catastrophe. Les dégâts dont sont victimes les animaux protégés par des textes de loi en Algérie à l'image de la gazelle du cuvier et du mouflon à manchettes et à la frontière Est, le cerf de barbarie sont énormes. Cependant et vu les vastes étendues du Sahara, il est difficile d'arrêter ces criminels qui sont responsables d'une catastrophe naturelle sachant que ces espèces braconnées sont menacées de disparition. Concrètement, quel est votre rôle lorsqu'une de vos fédérations de wilaya vous contacte vous, en tant que fédération nationale des chasseurs, pour signaler un braconnage ? On signale à notre tour ces pratiques illicites condamnées par la loi au niveau des services compétents. A titre illustratif, l'association des chasseurs de la wilaya de Tlemcen nous a signalé un profil Facebook d'une personne qui mettait en vente en ligne des chardonnerets mâles et femelles entre 3 500 et 5 000 DA. Nous, on commence par signaler ce commerce pour valider les faits qui sont sur Facebook. Il y a ensuite une enquête diligentée par les services des forêts territorialement compétents sur la base de ces images. Dernièrement, des chasseurs de la wilaya de Béchar nous ont signalé un groupe qui s'adonnait au braconnage du mouflon à manchettes et grâce à la collaboration entre la Fédération nationale des chasseurs et la DGSN, qui sont liées par une convention, un dispositif a été mis en place pour appréhender ces personnes en flagrant délit. Une voiture a ainsi été interceptée transportant trois têtes de mouflon, un fusil de guerre sans papier et plusieurs munitions. Ces braconniers ont été présentés devant le procureur de la République qui a ordonné l'ouverture d'une information judiciaire et les mis en cause ont été placés en détention provisoire. Est-ce que la DGF peut s'autosaisir lorsqu'il y a un signalement de votre part ? Effectivement, c'est la loi qui le stipule. Les articles de la procédure pénale donnent toute compétence à la police judiciaire de réprimander et de maner des investigations pour appréhender des braconniers et ceux de la DGF sont parmi ces éléments de la police judiciaire qui possèdent cette compétence. Plusieurs affaires sont élucidées par les éléments de la DGF sachant qu'ils travaillent en collaboration avec la gendarmerie. Les chasseurs sont là pour compléter cette collaboration. Lors du confinement sanitaire, on a assisté à une recrudescence du braconnage. Qu'en est-il au juste ? Nous avons reçu des signalements et de plaintes de présidents d'association qui ont remarqué que pendant cette période de confinemen, des adolescents qui habitent les zones rurales, là où le gibier prospère, ont tendance à ramasser les œufs des perdrix dans les forêts domaniales et s'attaquer aussi aux terriers des lapins de garenne ou des lièvres pour chasser les femelles laissant leurs petits voués à une mort certaine. Des pratiques qui mettent en péril la survie même de ces espèces dans ces régions. La fédération des chasseurs n'est pas là pour porter plainte contre ces jeunes ou menacer des riverains qui ne connaissent pas la loi. L'information doit circuler sur le rôle de la fédération qui est là pour préserver ces espèces et les associations de chasseurs doivent intervenir au niveau des écoles et des mosquées pour demander aux riverains de sensibiliser leurs enfants sur cette question. Donc au final, le problème de la chasse en Algérie est celui de textes ? On demande au chef de l'Etat qu'il ordonne la réunion du conseil supérieur de la chasse et du patrimoine cynégétique chargé de donner son avis sur la politique cynégétique et sur les voies de moyens d'amélioration. Sachant qu'il y a un décret exécutif de ce conseil promulgué en 2006 qui stipule que dès sa première réunion, il constitue deux commissions. La première est relative à la gestion du patrimoine cynégétique, de sa préservation et de son développement et la seconde relève de la pratique de la chasse. Depuis 2006, ce conseil ne s'est pas réuni alors qu'il a beaucoup de prérogatives pour la préservation, le développement et la gestion de toutes les espèces chassables. De la pratique des textes qui existent depuis 2004, deux décrets exécutifs n'ont pas vu le jour. Si on veut préserver la faune sauvage, si on veut se diriger vers une chasse touristique qui peut être une source de devises pour le pays, il faut avant tout donner l'occasion aux chasseurs algériens de pratiquer la chasse puisque toutes les conditions s'y prêtent.