Un agenda serré pour une visite dont Alger et Paris attendent beaucoup. Une visite de chef d'Etat pour le Premier ministre algérien Ali Benflis. À Paris depuis jeudi dernier, le Chef du gouvernement a été reçu par son homologue français Jean-Pierre Raffarin ainsi que par Jacques Chirac. Au cours de la même journée, il s'est entretenu avec des chefs d'entreprise français. Si l'hôte de Paris n'a pas bénéficié des mêmes égards que Bouteflika, en juin 2000, d'aucuns n'ont pas hésité à le présenter comme “possible successeur d'Abdelaziz Bouteflika”, ainsi que titrait le journal Le Monde dans son édition d'hier. Un agenda serré donc pour une visite dont tant Alger que Paris attendent beaucoup. Côté français, le ton a été donné par Bernard Valéro, porte-parole adjoint du ministère des Affaires étrangères : “Il s'agit d'une visite majeure qui permettra de réaffirmer le soutien de la France aux réformes politiques, économiques et sociales engagées par le gouvernement algérien”. Réponse du Premier ministre algérien : “La situation sécuritaire s'est améliorée dans des proportions allant de 90 à 95 %. Les possibilités d'investissement sont énormes et les garanties existent. Nous avons entamé des réformes, notamment celle des structures de l'Etat. En 2003, la réforme du secteur bancaire sera un moment important”. Et d'ajouter qu'“aujourd'hui que l'Etat républicain est sauvé et sur ses pieds, nous pouvons travailler à toutes ces réformes attendues, notamment de l'administration et de la justice”. Le plaidoyer de Benflis, ancien avocat qui a connu une ascension politique fulgurante, devait-il avoir la bonne oreille de Paris ? À voir. Au menu des discussions dont la teneur n'a pas été divulguée jusqu'à hier soir, la situation politique en Algérie, la préparation de la visite de Jacques Chirac en Algérie, prévue les 2 et 3 mars prochain et la coopération économique. Il faudra beaucoup de persuasion au Premier ministre algérien pour dissiper les réticences des Français. Au-delà des formules diplomatiques, ces derniers estiment que toutes les conditions ne sont pas réunies en Algérie pour attirer les hommes d'affaires. La persistance du terrorisme et les lourdeurs bureaucratiques sont autant d'écueils qui entravent les investissements étrangers. Le résultat sur le terrain : seules 92 filiales et autres implantations françaises sont présentes en Algérie qui génèrent 6 000 postes d'emploi. Autant dire des broutilles comparativement à nos voisins maghrébins. Pour le seul exemple du Maroc, il existe 450 entreprises françaises qui ont pu créer plus de 65 000 emplois. C'est justement sur ce terrain que le gouvernement compte séduire. Les Algériens considèrent que les Français ne font pas assez d'efforts malgré le fait que la France constitue le premier fournisseur de l'Algérie. Les investissements français sont essentiellement concentrés dans le domaine des hydrocarbures, rétorque Alger. Pour 4 milliards d'euros investis par la France sur les cinq années à venir, l'essentiel est dévolu au secteur des hydrocarbures. Un grand déséquilibre que ne cessent de souligner les Algériens. La frilosité des Français à s'engager en Algérie, Alger en veut pour preuve la décision de Paris de reconvertir une partie de la dette en investissements. En décembre dernier, lors de sa visite en Algérie, Dominique de Villepin, ministre français des Affaires étrangères, annonce le chiffre de 61 millions d'euros pour une dette qui s'élève à 8 milliards de dollars. Une somme maigrelette, estime Alger, eu égard aux potentialités du marché algérien. Il est vrai que le pays n'a jamais été aussi riche que ces dernières années, avec une réserve de change qui dépasse les 23 milliards de dollars. Ce sont autant d'arguments et de reproches qui sont mis sur la table des discussions durant ces deux jours de visite. Autre sujet important, la visite de Jacques Chirac en Algérie. Le Président français y attache une grande importance. Jacques Chirac attend le soutien de son homologue algérien dans la perspective de la tenue du sommet du G8 qui aura lieu à Evian en été prochain. Le Président français devrait également bénéficier de l'apport de son ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, attendu à Alger au courant du mois de février. Même attente du côté d'Alger où Abdelaziz Bouteflika espère récolter les dividendes politiques de cette visite dans la perspective de l'élection présidentielle qui aura lieu en 2004. Bouteflika, selon les confidences révélées par Le Canard enchaîné, n'aurait pas hésité à solliciter le coup de pouce de Chirac pour sa réélection. Nous y reviendrons. F. A.