C'est une condamnation sévère prononcée hier contre le journaliste. Elle a choqué la corporation et indigné l'opinion. Consternation dans la salle d'audience de la section correctionnelle du tribunal de Sidi M'hamed, hier, au moment du prononcé du verdict dans l'affaire de Khaled Drareni et des activistes Samir Belarbi et Slimane Hamitouche. Le journaliste est condamné à 3 ans de prison ferme, tandis que ses deux coaccusés écopent d'une peine privative de liberté de 24 mois, dont quatre mois fermes. Placés en détention préventive le 10 mars 2020, ces derniers ont déjà purgé leur peine. Ils n'encouraient, au demeurant, aucun risque de retourner dans un centre pénitentiaire même avec un jugement plus sévère. Ils ont été jugés le 3 août libres — ils ont été libérés sous condition le 2 juillet. Il en est autrement pour Khaled Drareni. Il restera enfermé dans sa cellule à la prison de Koléa, au mieux jusqu'à son procès en appel à la Cour d'Alger, qui sera programmé au plus tard dans 45 jours, conformément aux procédures réglementaires. À la sortie du palais de justice, les avocats, autant que des journalistes et des citoyens, ont exprimé de la colère et du désappointement contre ce qui est assimilé clairement à un acharnement contre le fondateur du site électronique Casbah-Tribune. "Ce verdict n'obéit à aucune logique. En quoi Khaled Drareni, un jeune journaliste prometteur, porte-t-il atteinte à l'unité nationale ? C'est terrible. Je ne sais pas quoi dire", déclare Me Aouicha Bekhti. "Je tombe des nues. Nous savions que la justice n'était pas indépendante. Mais un acharnement, à ce point-là contre Khaled Drareni, prouve que le pouvoir ne tolère aucune voix libre", commente Mohamed Hakim Addad, membre fondateur de l'association RAJ (Rassemblement actions jeunesse), lui-même incarcéré pendant des mois pour ses opinions. Il est actuellement en liberté provisoire. "Avec des décisions pareilles, nous sommes loin de construire un Etat de droit, une démarche qui commence par une justice indépendante et non instrumentalisée", assène Me Fetta Sadat, députée RCD. Djamel Zenati, militant politique, n'y va pas de main morte pour dénoncer un verdict disproportionné : "Khaled Drareni condamné à 3 ans de prison. Le pays sombre dans l'abîme. Il ne sert plus à rien de contester. Il faut se mettre en état de dissidence." Le président du RCD, Mohcine Belabbas, a réagi, également, rapidement à la lourde condamnation de Khaled Drareni. "La répression politique par l'instrumentalisation de la justice et des magistrats a atteint le summum de l'intolérable et de l'entendement avec la condamnation du journaliste Khaled Drareni à trois années de prison ferme pour des accusations farfelues", a-t-il publié sur son compte officiel des réseaux sociaux. "Au-delà des personnes injustement emprisonnées et privées de leur liberté, ce sont les valeurs et les causes qu'ils défendent que ce pouvoir cible en priorité. Rien que pour tout cela, la révolution, entamée en février 2019, doit être menée à son bout. Il y va de l'avenir de l'Algérie", ajoute M. Belabbas. "Le journalisme n'est pas un crime. L'homme libre reste libre, même en prison", affirme Cherif Driss, enseignant universitaire. "J'ai mal non seulement pour le journaliste, mais aussi pour notre justice", surenchérit Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (Laddh). Fortement affligés par l'injustice dont est victime Khaled Drareni, en détention pour avoir exercé le métier dans les normes, des dizaines de journalistes lui ont marqué leur soutien. Beaucoup d'entre eux ont mis un bandeau noir sur leur profil sur les réseaux sociaux, en signe de deuil pour la profession. Souhila Hammadi